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M. P. Strauss, rapporteur au Sénat, exige l’application intégrale du traité de Versailles. Elle impose à la France des charges et des mandats pour lesquels celle-ci a besoin d’avoir toutes ses forces intactes et disponibles. » — « Nous n’avons l’intention de vexer ni de froisser personne, a conclu M. André Lefèvre, ministre de la Guerre; mais nous ne pouvons pas réduire notre état militaire au-delà d’une certaine limite, tant que nous n’aurons pas obtenu certaines assurances, tant que nous apprendrons, par exemple, que des usines allemandes continuent à travailler pour la guerre, tant qu’il nous viendra des informations nous montrant de grandes maisons d’optique de l’Allemagne s’employant à la fabrication intensive des périscopes de tranchées. » Ce ferme et patriotique langage répondait si bien au sentiment général que le projet a été voté, à la Chambre, par une immense majorité et adopté, au Sénat, sans aucune opposition. Les deux assemblées ont donné, en cette circonstance, un magnifique exemple d’union, nationale. Elles ont, d’ailleurs, montré le même esprit de concorde et la même dignité dans les plus graves délibérations qui sont venues jusqu’ici à leur ordre du jour, comme dans les interpellations sur la politique extérieure ou sur la grève des chemins de fer. Tout cela est de bon augure. Le gouvernement sait qu’il peut s’appuyer solidement sur la représentation nationale, chaque fois qu’il aura éprendre les mesures nécessaires pour maintenir et fortifier la paix au dehors et au dedans.

L’autorité supplémentaire qu’apporte ainsi à M. Millerand le concours éclairé du Parlement lui sera précieuse dans l’accomplissement de la tâche formidable qu’il a courageusement assumée et, en particulier, dans les négociations diplomatiques qu’il lui reste à poursuivre. En arrivant au pouvoir, il a trouvé ouvertes une multitude de questions, sur lesquelles nous aurons à revenir et qui, après avoir été trop souvent, dans les conseils internationaux, l’objet de solutions improvisées et contradictoires, s’étaient posées de nouveau et peu à peu envenimées. L’histoire des variations des Alliés sur les affaires d’Orient, sur le problème de l’Adriatique, sur l’attitude à observer vis-à-vis des Soviets, vaudra, sans doute, la peine d’être écrite tôt ou tard. Elle divertira peut-être ceux qu’amusent les coq-à-l’âne; elle attristera plus sûrement ceux qui auraient souhaité que chacun des gouvernements alliés essayât de se mettre d’accord avec lui-même, avant d’engager la conversation avec ses partenaires, et ne changeât pas ensuite de point de vue au hasard des entretiens.

Voici, par exemple, la question de Constantinople. Le chemin