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suspecte, la défense de l’ancien gouvernement impérial, a insidieusement répandu dans tous les pays l’idée que l’Allemagne et ses alliés pourraient bien n’être pas seuls responsables de la guerre et qu’il serait, par conséquent, équitable de ne pas faire subir aux nations vaincues toute la charge des responsabilités. D’autre part, le gouvernement de Berlin a cherché à peindre sous les couleurs les plus noires la situation économique de l’Allemagne, à représenter l’Empire comme un débiteur bien intentionné, mais malheureux et insolvable, et à gagner par des lamentations habiles la pitié des vainqueurs. Cette manœuvre en partie double est conduite, dans le monde entier, avec un art supérieur et elle tend, tout à la fois, à diviser les Alliés et à faire du traité un nouveau chiffon de papier.

Nous assistons donc à une recrudescence des odieuses calomnies que les Allemands ont propagées, pendant plusieurs années, dans les départements occupés, à l’aide de la Gazette des Ardennes, et jusqu’en France libre, à l’aide de ses traîtres et de ses espions. On n’ose pas encore dire que c’est la France qui a déclaré la guerre-mais on insinue qu’elle a commis des imprudences et des provocations, qu’elle s’est laissé égarer par l’esprit de revanche, qu’elle a cédé à l’entraînement de la gloire militaire, et l’on cherche naturellement à incarner dans quelques hommes la politique funeste qu’on attribue, contre toute vérité, au gouvernement de la République. Il est douloureux de penser qu’une poignée de Français, aveuglés par la passion politique, puissent travailler, en même temps que l’Allemagne, à cette défiguration de l’histoire et que d’audacieuses faussetés s’impriment, à Paris même, sur les origines proches ou lointaines de la guerre. Pour moi, depuis plus de trente ans que je suis, à des titres divers, mêlé aux affaires du pays, je n’ai jamais connu un Président de la République, un Président du Conseil ou un ministre quelconque, qui fût assez fou pour désirer un conflit armé entre l’Allemagne et nous et qui osât, soit prononcer le mot, soit même caresser l’idée de la revanche. Nous aurons vraisemblablement maintes occasions de nous expliquer ici sur l’attitude observée par la France et par tous ses représentants, non seulement pendant la période qui a immédiatement précédé la guerre, mais pendant les années antérieures. Il sera aisé d’établir que, sur ce point, la doctrine du traité de paix est irréfutable et qu’on ne peut relever, contre le gouvernement de la République, aucune faute qui atténue la culpabilité de l’Allemagne. Au moment même, où, après l’armistice, la France rentrait enfin en Alsace et en Lorraine, nous avons