Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/450

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Églises, le consentement des théologiens et des pasteurs, dans les faits l’accord des idées. Car vous avez pris garde à la méthode suivie sagement par les deux docteurs : la seule question qu’ils eussent voulu se poser, c’était si les articles à cause desquels les Réformateurs du XVIe siècle avaient fait schisme, renversaient réellement les fondements du salut, ou si ces articles n’étaient pas susceptibles d’une explication propre à rassurer les chrétiens soucieux d’avoir une foi qui les sauvât. C’est à cette unique question qu’ils ont répondu. Ils n’ont point cherché, ils n’ont point dit quel geste, quel acte doit, des deux côtés, s’ensuivre.

Comment Bossuet se figurait la solution pratique, certes on serait bien désireux de le savoir. Combien sans doute devaient être intrigués, anxieux, là-dessus, ceux qui du « grand projet » avaient su quelque chose ! Le fait de reconnaître l’innocuité des croyances catholiques devait-il entraîner cette conclusion que les Réformés étaient obligés, instantanément, d’y croire ?

Dès le mois d’août, Paul Ferry, interprète sans doute des inquiétudes éveillées de son entourage, avait interrogé Bossuet sur ce point : « [Il me demanda] si, quand lui et les siens seraient demeurés d’accord que notre foi ne détruisit pas les fondements du salut, nous croirions les pouvoir obliger par-là à la profession, par conséquent à embrasser notre communion. » — « Je lui ai répondu nettement, dit Bossuet, que ce n’était pas ma pensée. » Non, il ne fait point ce rêve impérieux et absurde de leur commander une foi improvisée. Pour affirmer cette énormité, Bossuet est trop philosophe, et trop pieux, je veux dire trop respectueux et de la foi humaine et de la grâce de Dieu. Il sait les voies lentes de la Providence, et la rareté des illuminations subites, et les nécessités de l’esprit humain, et le poids lourd des vieux préjugés et le pli des longues habitudes. Il ne se figure point qu’ils auront tout de suite « les yeux ouverts pour connaître la vérité » entière des articles qu’ils ne jugeront plus contraires au salut.

Mais alors, que ferait-on ? Admettrait-on, avant une abjuration collective, un intérim, un provisoire qui permit à Dieu d’agir et aux hommes de se préparer ? Je ne vois point nos deux pieux penseurs acceptant, proposant ce moyen politique. Aussi bien songeraient-ils même à une abjuration collective ? J’en