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pourquoi, durant ces conversations, les deux théologiens consultent autre chose que des symboles et confessions de foi valables à l’heure où ils parlent. Ils recourent en sus à des textes du passé, par exemple aux Actes du colloque de Poissy, et Bossuet, qui déjà, pour réfuter le Catéchisme de Ferry, était remonté au XVIe siècle, et qui dès lors avait noté divers traits de la Réformation allemande et française du XVIe siècle[1], se confirme, sans doute, à ce moment, dans le dessein d’en écrire l’histoire.

Mais une enquête approfondie sur les origines eût été longue ; elle se serait heurtée à bien des questions de fait obscures. Judicieusement ils se contentèrent à moins de frais. Ces « points fondamentaux » où s’abritent les contradictions, après tout on les connaît. Les controversistes les ont tant de fois rappelés depuis le XVIe siècle ! L’Eucharistie, la Justification furent visiblement les raisons les plus sérieuses du schisme et restent les pierres d’achoppement de la Réunion. Les deux négociateurs commencèrent par elles. Par laquelle des deux au juste ? Il ne serait point oiseux de le savoir, à qui voudrait se rendre compte de ce qui pouvait dominer en Ferry, le point de vue luthérien ou l’objection spécifiquement calviniste. Mais l’ordre suivi n’apparaît pas nettement[2].

Puis, ils abordèrent « les prières adressées aux saints. » Enfin le Purgatoire et la prière pour les morts. Et ce fut tout. Bossuet écrit : « Nous n’avons parlé que de ces articles. »

Et tout de suite on voit la lacune. Rien sur l’autorité de la Bible et de la Tradition ; rien sur l’autorité de l’Eglise, dont Nicole, quelques années plus tard, disait qu’ « il y a de l’imprudence à se résoudre sur aucun point, avant que d’avoir examiné à fond le point de l’Eglise ; » d’accord en cela avec le protestant Desmarets qui, lui aussi, voyait là « le gond, » le nœud de toutes les controverses. Rien sur le droit du chrétien protestant de faire sa foi d’après la Bible lue et comprise par lui. — Etait-ce que ces points, qu’à présent il nous paraitrait si indispensable de ne point omettre, semblassent pour lors indifférents à Ferry et à Bossuet ? Est-ce que l’idée d’autorité, de soumission, d’ « église » était assez en faveur alors chez les protestants modérés pour qu’ils ne voulussent pas faire

  1. Bossuet historien du protestantisme, p. 81 et suivantes.
  2. Cf. Correspond., t. 1, p. 149 et p. 162.