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le péril moderne, sensible à divers degrés et sous des formes différentes chez Rabelais, Montaigne, Despériers, Rodin et Du Vair, le bloc chrétien. Tout jeune, au retour probablement, et déjà même, je pense, au cours d’un voyage en Allemagne, il s’était attelé à « réunir, » d’abord, Calvinistes et Luthériens.

Il avait eu la consolation du voir, entre 1614 et 1636, du synode national de Tonneins à celui de Charenton, les chefs et les conseils de l’Église calviniste s’ouvrir quelque peu à ces souffles apaisants, déclarer qu’il n’y avait « ni superstition, ni idolâtrie dans le culte des Eglises de la confession d’Augsbourg, » accepter l’idée qu’une liste de points fondamentaux fût établie, dont la reconnaissance permettrait la tolérance, et même l’union dans la tolérance. A cet essai autorisé le pasteur de Metz avait consacré ses veilles. Avec plusieurs pasteurs d’Allemagne ou d’ailleurs, il entama hardiment, poursuivit inlassablement, malgré les rebuts ou les malentendus, des correspondances multiples et infinies, par exemple dès 1634 avec l’oxfordman Dury, établi et mort à Cassel, celui qui, au XVIIe siècle, fut vraiment le professionnel avocat international de la paix religieuse, le serviteur empressé, partout présent, de la « Communion des saints, » le pèlerin passionné de l’unité chrétienne[1]. Vingt-cinq ans durant, ils échangèrent des lettres ardentes et doctes, dont il vaudrait la peine qu’on explorât courageusement le dossier. En 1662, David Ancillon le relayait et l’assistait, et Dury faisait à Metz un voyage exprès pour ménager cette réconciliation des disciples de Calvin, de Bucer et de Zwingle, avec les fils de Luther et de Melanchthon. Ferry avait composé sur ce sujet un traité que les historiens de la Réforme n’auraient point dû, ce semble, oublier.

A l’égard du catholicisme, il était dans les mêmes sentiments, et dans le même temps il les manifestait dans une autre longue correspondance (1645-1661) avec l’illustre soldat messin qui commandait pour le Roi à Sedan, Fabert Ses controverses, souvent vives (mais les injures ne tiraient pas alors à conséquence), avec des Jésuites ou des Carmes, avaient servi à lui faire connaître l’ennemi avec lequel il voulait faire la paix. Son œil bénin voyait ce que tant d’autres yeux ne voient

  1. Sur John Dury, voir un intéressant article (où Ferry, cependant, n’est point cité) de Newman Smyth, dans le Constructive Quarterly de New-York de juin 1916.