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personnels ou corporatifs, — un intérêt particulier à ne pas voir disparaître ou émigrer le travail dont ils vivent, pourquoi n’uniraient-ils pas leurs voix aux nôtres pour obtenir du Parlement la révision des tarifs de douane d’où viennent pour une grande part les difficultés et les périls actuels ?

Il n’y a pas de campagne et d’action qui rentrent mieux dans le cadre légal de la défense des intérêts professionnels. Les États-Unis nous ont donné l’exemple et la preuve de ce que, dans le même sens et les mêmes professions, les travailleurs peuvent obtenir des pouvoirs publics pour la sauvegarde de leur travail. Ne sont-ce pas les ouvriers typographes d’Amérique qui, pour assurer la prospérité des industries américaines dont ils vivent, ont fait voter et si longtemps maintenir la loi exigeant que, pour bénéficier de la production contre les traductions non autorisées et contre le pillage sur le territoire des États-Unis, tout livre étranger devrait y être matériellement refabriqué ? C’est seulement depuis quelques années que les intérêts professionnels des ouvriers américains se sont inclinés devant ce principe de haute justice, à savoir que les œuvres de l’esprit sont une propriété morale et matérielle et qu’elles ont droit au respect.

En contribuant ainsi à protéger le livre français, à rendre plus aisée sa diffusion au dehors, ce n’est pas seulement pour eux-mêmes que travailleraient les 470 000 ouvriers du Livre, mais indirectement pour les millions d’ouvriers français de toutes les professions. Car, comme l’expose fort justement M. Georges Valois, éditeur clairvoyant et très attentif à tous les problèmes de notre expansion industrielle et économique, les livres français, quels qu’ils soient, — les romans comme les livres scientifiques, — sont d’efficaces et séduisants prospectus pour toutes les industries et pour tous les commerces de notre pays. D’abord parce que, d’une manière générale, ils font connaître la pensée, le goût, la civilisation de notre patrie. Ensuite parce que, présentant d’une manière attrayante les jolies choses et les fortes constructions de chez nous, ils appellent les commandes aux industries nationales qui les fabriquent.

Les travailleurs français du Livre pourraient aussi nous aider d’une autre manière dans notre effort pour que le Livre français, dans son ensemble porteur d’idées généreuses, ne disparaisse pas du monde à cause de son trop haut prix, et en