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surélevé les leurs dans des proportions souvent très fortes. Ce qui était exact. Et comme on leur objectait qu’ils vendaient au nouveau prix non seulement les volumes fabriqués d’après les tarifs et les salaires des derniers temps, mais aussi les ouvrages édités dans les conditions anciennes et même datant d’avant la guerre, ils répondirent :

— C’est précisément parce que nous ne perdions pas sur tous nos livres, que nous avons pu, ces derniers mois, supporter une perte, ou nous contenter d’un fort menu gain sur nos livres de fabrication récente. Du reste, même pour ces livres d’autrefois, nous sommes contraints à des rajeunissements, à des manipulations, à des impressions et a des brochages de couvertures, qui s’effectuent selon les tarifs d’aujourd’hui. Le personnel de nos librairies, le charbon, l’emballage nous coûtent plus cher aussi. Le poids de nos impôts s’alourdit. C’est une compensation légitime et indispensable.

Ayant besoin de livres pour distraire leurs soirées vides sous la lampe, les civils acquiescèrent. A plus forte raison nos soldats, pour lesquels, dans la monotonie de leurs gardes héroïques, tout ravitaillement intellectuel était indispensable.

De leur côté, les écrivains, — de tous les « travailleurs » les plus sacrifiés et le plus injustement, et les premières victimes de ce déplorable état de choses, — dirent aux éditeurs :

— Vous êtes contraints de majorer le prix des livres parce que vous payez des tarifs plus élevés à vos imprimeurs, relieurs, photograveurs, etc., qui sont obligés de donner de plus hauts salaires à leurs ouvriers. Cela en raison de la vie chère. Mais la vie n’est-elle pas aussi difficile pour nous ? Les vivres, les vêtements, les chaussures nous coulent aussi cher qu’aux typographes et aux brocheuses. Nous sommes les créateurs de l’œuvre sans laquelle il n’y aurait pas de travail pour les ouvriers manuels et votre industrie elle-même ne serait pas possible. Donc, faites-nous notre juste part dans cette augmentation. Payez-nous des droits d’auteur proportionnés au nouveau prix de vente. Au surplus, vous n’êtes pas libres de modifier, sans l’assentiment de vos auteurs, le contrat synallagmatique qui lie chacun d’eux à vous… Si vous n’augmentez pas leurs droits, ils peuvent s’opposer à la majoration du prix de vente de leurs livres.