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3 francs. Puis, leurs frais généraux s’aggravant et mesure que croissait le prix de la vie et des objets indispensables à leur négoce, ils firent admettre par les éditeurs, et sans trop de peine par le public lui-même, que les volumes marqués 3 fr. 50 seraient désormais vendus au prix fort. On ne s’aperçut pas alors que les livres fussent moins demandés. Ce retour au prix marqué ne dépassait pas les ressources que le public consacre volontiers à son goût pour les livres. Un peu plus tard, lorsque l’Allemagne se fut jetée sur nous, la France, recueillie, gravement attentive à l’épopée de ses fils en armes, n’avait à son angoisse guère d’autre distraction que celle de la lecture. En outre, dans leurs tranchées et leurs cantonnements, durant leurs longs mois d’immobilité, nos soldats lisaient avec passion. La lecture était aussi, dans les hôpitaux, le meilleur passe-temps de nos blessés et de nos malades. On s’arrachait les livres, quels qu’ils fussent. Ce fut l’âge d’or pour les invendus, le paradis pour les libraires malchanceux. Les fonds de magasins se vidèrent sans la coûteuse humiliation des mises en solde.

Cependant, sur le prix du papier commençait un mouvement de hausse qui allait prendre des proportions inouïes. De 42 à 60 francs les 100 kilos pour volumes ordinaires à 3 fr. 50, il bondissait à 200 et 250 francs, pour atteindre à 275 et 300 francs les 100 kilos. Et les travailleurs manuels du livre, en présence des dures conditions nouvelles de la vie réclamant de notables augmentations de salaires, le prix de la main-d’œuvre s’accrut très vite d’un tiers pour atteindre progressivement, après des hausses successives en 1917 et en 1918, une majoration de plus du double en 1919, ainsi qu’on le verra plus loin d’après des chiffres comparatifs et détaillés pour chacune des principales industries du Livre.

Les éditeurs déclarèrent que, en face des tarifs imposés par leurs marchands de papier, imprimeurs, relieurs, photograveurs, etc., ils ne pouvaient continuer leur industrie qu’en portant le livre à 4 fr. 55. C’était un saut assez impressionnant. Déconcerté, le public se cabra tant soit peu. Mais sa mauvaise humeur n’alla pas jusqu’à la désertion. Il lui fut expliqué par les éditeurs qu’ils avaient longtemps patienté avant de se résigner à cette hausse pourtant justifiée depuis bien des mois, que seuls ils n’avaient pas encore majoré leurs prix alors que depuis plus d’une année tous les autres commerçants avaient