Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À cause de leur cherté qui en éloigne le public, les livres français ne sont pas très abondants non plus aux vitrines d’Alsace et de Lorraine, où pourtant c’est avec une affectueuse bonne volonté que les cœurs vont au-devant de la pensée française. En Belgique, même pénurie pour les mêmes causes. Et, en Hollande, où une enquête minutieuse vient d’être faite dans les librairies des principales villes, nos volumes sont non moins rares. S’il en est ainsi dans des pays si proches où, comme en Belgique, nos livres furent toujours très demandés et où, comme sur les bords du Rhin, la présence de nos soldats victorieux inspire glorieusement le goût de les lire, on devine combien dangereuse doit être leur rareté dans les régions plus lointaines qui, bien disposées pour la France, souhaitent que leur développement intellectuel s’accorde le plus possible avec sa pensée.

Tout cela, non pas tant parce que la librairie française n’est point encore aussi hardiment et souplement organisée qu’il le faudrait, mais parce que ses livres coûtent trop cher. Leur prix est une des raisons qui nous empêchent de réaliser au dehors le prestige de notre victoire. Comme ce n’est pas un de ces périls tout de suite apparents, auxquels la crainte du scandale ou d’un risque immédiat oblige à chercher d’urgence un remède, on ne s’en préoccupe guère. On laisse nonchalamment aller les choses jusqu’au jour où les résultats de cette incurie seraient si graves qu’on ne pourrait plus réparer la faute.

Nous ferons du moins notre devoir qui est d’avertir l’opinion et les pouvoirs publics, et de rechercher quels peuvent être les moyens d’atténuer cette cherté si dommageable à notre influence, à nos intérêts moraux comme et nos intérêts politiques, plus encore qu’elle ne lèse nos intérêts économiques.


D’où vient le renchérissement ininterrompu des livres français ?

Le mouvement de hausse remonte à bien des années. On sait qu’avant la guerre une dépréciation s’était faite du livre à 3 fr. 50, que les libraires détaillants laissaient à l’acheteur au prix de 2 fr. 75. Une première fois ces libraires, — dont le commerce difficile est peu rémunérateur, — remontèrent le prix, à