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petit Capet, un rassemblement considérable se formait à la porte du Temple. Guérin adressa en hâte à la section l’ordre d’envoyer « deux détachements de vingt à vingt-cinq hommes, » pour écarter la foule. Le jour tombait. L’ordonnateur Voisin prit le petit cadavre dans ses bras et descendit, portant ce léger fardeau, jusqu’au bas du long escalier de pierre : la bière était déposée la ; il étendit le corps dans le cercueil qui resta découvert durant une heure, en attendant que la troupe eût dispersé les badauds que « la curiosité ou peut-être quelque autre motif » amassait dans la rue du Temple. À neuf heures du soir seulement, presque à la nuit close, Dusser, le commissaire de police, donna l’ordre du départ. Voisin cloua le couvercle de la bière, jeta sur elle un « drap mortuaire » et la remit aux porteurs : ils étaient au nombre de quatre et devaient, en cours de route, se relayer « deux par deux. » Lasne et Gomin suivaient, ainsi que le chef de brigade Garnier et le capitaine Wallon commandant la garde de la prison, le commissaire de jour Guérin, les deux commissaires occasionnels Arnoult et Godet, Dusser, le commissaire de police. Et il y avait là aussi un personnage dont la présence injustifiée, et qui passa, semble-t-il, inaperçue, a suscité, depuis lors, bien des commentaires, demeurés, d’ailleurs, sans solution utile : c’était Remy Bigot. Bien que son nom ne figurât sur aucune des listes de la Commune, on l’avait vu prendre la garde au Temple, en qualité de membre du Conseil général, le 21 janvier 1794, alors que commençait, après le départ de Simon, la séquestration du petit prisonnier. Bigot reparaissait, — à quel titre ? — pour l’inhumation, comme si quelque nécessité mystérieuse imposait son ingérence dans les circonstances importantes de la captivité du Temple. Il signa, ce soir-là, le procès-verbal de la levée du corps ; et, deux jours plus tard, Bigot surgira de nouveau pour figurer comme témoin à l’acte de décès, où il se déclarera « employé, âgé de cinquante-sept ans, demeurant rue Vieille-du-Temple, no 61, ami du défunt ! »

Le petit cortège qu’escortaient huit soldats commandés par un sergent, sortit du Temple par le grand portail et tourna presque aussitôt à gauche dans la rue de la Corderie : la troupe contint la foule par un barrage ; deux détachements de vingt-cinq hommes suivaient les porteurs du cercueil « à distance assez éloignée, sans paraître former cortège » et l’on parvint