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paraissait louche et l’imagination populaire se donnait libre cours.

Le 10, à midi, le service de Darlot finissait : il était remplacé par Guérin, commissaire civil de la section de l’Homme armé. Lasne le reçut à la salle du Conseil, suivant le protocole, et lui apprit la mort du prisonnier. Plus avisé que ses deux précédents collègues, Guérin remarqua, dès les premiers instants de son installation, que « la nouvelle de cette mort n’ayant été précédée d’aucune annonce de maladie et pouvant donner lieu à des conjectures fâcheuses, les deux gardiens, — Lasne et Gomin, — cherchaient à en détourner l’effet par tous les moyens que la prudence pouvait leur suggérer. » Ils étaient très affairés, en effet, car le Comité de Sûreté générale, après tant de subtilités et d’irrégularités, affectait maintenant un grand respect des formalités légales et donnait l’ordre qu’elles fussent strictement observées. Dans l’après-midi, vers quatre heures et demie, arrivait, par express, au Temple, un arrêté qu’il venait de rendre ordonnant au Comité civil de la section du Temple de « faire donner la sépulture au fils de Louis Capet dans le lieu et suivant les formes ordinaires, en présence du nombre de témoins désignés par la loi, et renforcé de deux membres du Comité civil de la dite section. » Tandis que Lasne ou Gomin prévenait la section, on avisait en même temps Voisin, le conducteur des convois qui remplissait les fonctions d’ordonnateur des cérémonies funèbres : il alla donc requérir du citoyen Bureau, concierge du cimetière Sainte-Marguerite, une bière « pour une jeune fille, » et Bureau lui fournit un cercueil « de bois blanc, » long de quatre pieds et demi.

À sept heures et demie tout était disposé : l’officier public Robin se présenta porteur de son registre et accompagné des deux commissaires supplémentaires chargés d’assister à l’inhumation : ils s’appelaient Arnoult et Godet. La déclaration du décès fut consignée en présence du cadavre ; Lasne et Gomin y figurèrent en qualité de déclarants ; les autres signèrent ; puis, « pour s’entourer encore d’un plus grand nombre de témoignages, » l’état-major des troupes de garde depuis midi fut amené au lit mortuaire et on invita les officiers « de déclarer s’ils reconnaissaient le fils de Louis. » Comme leurs camarades de la veille, tous le reconnurent et en signèrent au registre l’attestation. À ce moment, un inspecteur de police vint avertir que, dans l’attente de l’enterrement du