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donne lecture d’un très court rapport annonçant, — en termes d’une sécheresse concertée, — que le fils de Capet, incommodé depuis quelque temps par une enflure au genou droit et au poignet gauche, est mort la veille et que le Comité en a reçu la nouvelle à deux heures et quart de l’après-midi. « Le Comité, ajoute-t-il, m’a chargé de vous en informer. Tout est constaté. Voici les procès-verbaux qui demeureront déposés aux archives. » Puis il passe, sans transition, à la lecture d’une lettre de Nice relatant l’arrestation d’une centaine d’émigrés…

Sevestre, ancien greffier au tribunal de Rennes, avait perdu certainement, dans l’exercice de ses fonctions de législateur, le respect de la précision minutieuse chère aux procéduriers, car son rapport comporte autant d’inexactitudes que de lignes. Il assure, par exemple, que le Comité apprit, le 20, à deux heures et quart, la mort du fils Capet ; pourquoi n’expose-t-il pas les raisons qui ont empêché le dit Comité d’en faire part aussitôt à la Convention, laquelle n’avait pas levé sa séance avant quatre heures ? Simple étourderie. Ce qui est moins excusable, c’est le geste de Sevestre, faisant mine de manier une liasse de papiers et disant : « Tout est constaté… Voici les procès-verbaux… » Au moment où il parlait, le Comité n’était encore en possession ni de la déclaration, ni de l’acte de décès, ni du certificat d’autopsie, ni de la copie du Registre du Temple, ni de rien qui ressemblât à un procès-verbal ou à une constatation quelconque, et il ne semble même pas qu’il eût jamais l’intention de former un dossier de pièces officielles confirmatives de l’événement. Mais on voulait se montrer péremptoire afin de couper court à toute discussion. Les députés, ébahis à l’énoncé de cette nouvelle inattendue, restèrent « muets d’étonnement. » — « Pas une voix de pitié, pas un regret ne s’éleva dans cette enceinte de scélérats, impénétrables à tout sentiment, à tout honneur, à tout remords. » C’était le second régicide que la Convention portait à son actif ; car, quel que fût l’enfant, — anonyme ou Bourbon, — dont le cadavre était au Temple, quels que fussent les doutes désormais ancrés en nombre d’esprits, c’était bien la personnalité royale de Louis XVII qui venait de disparaître avec ce prisonnier douteux, sacré, à défaut de titres authentiques, par le malheur, les deuils, l’unanime et secrète pitié du peuple, la grandeur tragique de sa courte histoire ; investiture trop