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d’un docteur, l’enfant moribond. Le 3 juin seulement, la Commission des secours publics fit remplacer pour le service du Temple Desault par Pelletan « connu pour ses talents et chargé de la démonstration à l’Ecole de santé ; » et, à dater de cette nomination, la brume de mystère qui, depuis tant de mois, enveloppe le Temple, se dissipe quelque peu.

Pelletan, au dire de Mallet du Pau, était un « révolutionnaire féroce, » qui servait d’espion au Comité de Sûreté générale dans la prison de Saint-Lazare pour y former des listes de victimes à guillotiner. Cette incrimination paraît aussi vague que difficile à admettre ; les opinions plus ou moins avancées d’un médecin importent peu, d’ailleurs : ses aptitudes professionnelles sont seules à considérer. Or Pelletan avait alors grande réputation : sa science et son expérience l’imposaient comme digne successeur à Desault : on doit donc croire que le petit malade était en bonnes mains. Par malheur, le récit que Pelletan a laissé de sa première visite au Temple fut écrit à l’époque de la Restauration, — en 1817, — sur un mode chevaleresque et éploré qui dénote une transposition. On y rencontre pourtant des détails précieux qui ne sont point imaginaires : le médecin, en pénétrant dans l’ancien appartement de Louis XVI qu’habitait l’enfant, et qui lui parut « propre et commode, » trouva le malade entouré de jouets tels que « une petite imprimerie, un petit billard, des livres, etc.. » Lasne et Gomin, ainsi que le commissaire civil de service ce jour-là ; « lui prodiguaient des soins presque paternels. » Pelletan, ayant observé que « le bruit des verrous et des serrures paraissait affliger l’enfant chaque fois qu’on ouvrait la porte de son appartement, demanda qu’on amortit le grincement de ces ferrailles inutiles ; et comme les gardiens s’empressaient d’y consentir, il insinua que si le prisonnier pouvait être transporté, au moins pendant le jour, « dans le salon du concierge » (sic) prenant vue sur le jardin, « il y trouverait plus de consolation. » Jusqu’ici le témoignage peut être accepté sans conteste ; Pelletan devient légèrement suspect lorsqu’il ajoute : « Malheureusement tous les secours étaient trop tardifs… on ne pouvait concevoir aucun espoir ; » c’est là, manifestement, opinion rétrospective d’un médecin qui, pour expliquer un insuccès, proteste « qu’il n’a pas été appelé à temps. » Non, Pelletan, à sa première visite du 6 juin, ne jugea pas le cas désespéré :