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plats : un Français [je l’ai] et un Saxe (qui est à trouver), et je ferai faire un tableau d’enfants moissonnant du blé en pendant. Je te remercie beaucoup de cette acquisition ; elle me permet de finir les deux seules choses qui manquaient à cette salle à manger que tu nommes royale en te moquant, sans savoir à quel point tu dis vrai.

Sais-tu que je vais posséder la fontaine que Bernard de Palissy a faite ou pour Henri II, ou pour Charles IX ? Elle vient du pillage d’Ecouen pendant la Révolution. Elle est tout[e] en émail de Bernard de Palissy ; tous les ornements en sont bleu foncé sur bleu tendre, et elle est couverte de fleurs de lys. Le fond est blanc-verdâtre. Il n’y a rien, dit-on, de comparable à ce morceau, ni au Louvre, ni à Cluny, enfin nulle part.

Avec la table que je commanderai, et le lustre, notre salle à manger est terminée. Je t’assure que peu de personnes, sans en excepter Rothschild, auront une salle à manger pareille. Celle de M. de Custine, si célèbre, ne sera rien, mais absolument rien [en comparaison].

J’ai pris l’engagement à la Presse d’avoir fini les Paysans, le 25 décembre. Ainsi, j’aurai un travail d’Hercule à accomplir en novembre et décembre. Mais aussi, dettes et maison, tout sera bien avancé vers la fin de décembre. Les Paysans ont produit une bien profonde impression et on en veut la fin. Il est impossible de tarder plus longtemps. D’ailleurs, en janvier et février, je finirai les Petits Bourgeois, et j’aurai accompli la tâche d’avoir payé tous mes créanciers par mes propres forces.

Tu ne saurais croire dans quelle nécessité [d’écrire] je suis, pour achever le [roman du] Constitutionnel. Hier je me suis levé à dix heures et demie du soir, et je viens de travailler de onze heures du soir à cinq heures du matin. Je me suis reposé en t’écrivant, et je vais aller jusqu’à neuf heures ! Je n’ai plus que dix jours pour faire quatorze chapitres de [la Cousine] Bette ! C’est effrayant.


H. DE BALZAC