Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/288

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


IX. — UNE OFFENSIVE INTERALLIÉE PAR LE FRONT ITALIEN ?

L’armistice de Villa Giusti, entre l’Italie et l’Autriche, assurait à l’armée italienne, et aux troupes alliées opérant avec elle l’usage du territoire et du réseau ferré autrichiens. Il s’ensuivait donc pour les Alliés la possibilité de porter, par cette voie, la guerre en Bavière et dans l’Allemagne du Sud. La prudente capitulation de l’Allemagne, le 11 novembre, a fermé cette perspective, à peine ouverte. Ainsi s’est évanouie la possibilité du développement le plus intéressant que comportât, à notre point de vue, l’usage du front italien.

L’usage de ce front était, en effet, un des apports faits par l’Italie à la coalition ; et c’est un apport d’où auraient pu résulter pour nous les plus grands avantages, si les circonstances nous avaient permis d’en tirer tout le parti possible. La question vaut la peine qu’on s’y arrête un instant.

En entrant en guerre à nos côtés, l’Italie a mis à notre disposition un théâtre d’opérations de plus, celui-là même par où passent et d’où partent les voies d’invasion en Autriche, la route de Vienne, que Bonaparte s’était ouverte par ses victoires en Lombardie et en Vénétie. Envahir l’Autriche, menacer l’Allemagne du Sud et obliger les Allemands à garnir un front de ce côté, est une possibilité que l’intervention de l’Italie a fournie aux Alliés. Il est apparu promptement que l’armée italienne n’était pas, à elle seule, en mesure d’en profiter. Les Alliés, ont-ils songé à venir en aide à l’Italie pour exploiter en commun la ressource, dont elle ne pouvait, réduite à ses propres moyens, les faire bénéficier ? Officiellement et sérieusement, ils ne se sont, croit-on, jamais arrêtés à ce projet. L’idée, en revanche, s’en est présentée à l’esprit de certains grands chefs français[1], qui ont pu l’émettre personnellement et caresser, à divers moments de la guerre, l’espoir de la voir réaliser. Mais, chaque fois qu’elle a été émise, elle s’est heurtée, du fait des exigences du front principal, c’est-à-dire du front occidental de France, de l’insuffisance des effectifs disponibles, et de la loi énoncée dans la formule « l’effort principal sur le front principal, » à des obstacles insurmontables, ou jugés

  1. Du général Galliéni, du général de Castelnau, du maréchal Pétain entre autres.