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tenir les engagements pris, échapper aux clauses dont l’exécution n’est pas facilement vérifiable. Quand il s’agit de payer, l’Ailemagne dit qu’elle n’a pas les moyens, et quand il s’agit du nombre des soldats ou du nombre des canons, elle ne dit rien, mais elle dissimule. On sait déjà qu’en ce qui concerne le charbon, elle livre sans aucune raison le tiers de ce qui nous est dû. Elle est plus trompeuse encore en ce qui concerne sa situation militaire. D’après le traité de Versailles, l’Allemagne doit avoir réduit ses forces le 1er avril 1920. A dater de ce jour au plus tard, la totalité des effectifs des États qui constituent l’Allemagne ne devra pas dépasser cent mille hommes, officiers et dépôts compris, et sera destinée au maintien de l’ordre sur le territoire et à la police des frontières. Or, à la fin de février 1920, l’armée allemande compte encore plus de quatre cent mille hommes. Le gouvernement de Berlin a-t-il au moins donné des ordres pour la réduction des effectifs ? Il n’y parait guère. Il a laissé à l’ancienne armée plus de cent mille hommes et il lui a confié le soin de s’occuper du rapatriement des prisonniers de guerre allemands et de la garde des prisonniers russes. D’autre part, la nouvelle armée allemande (Reichswehr) devait être réduite dès le 1er octobre 1919, à 200 mille hommes; elle en compte toujours 300 mille, et rien d’efficace n’a été prescrit pour opérer la réduction promise. En outre l’Allemagne a organisé sous le nom de formation de police une troupe qui a un véritable caractère militaire, et qui n’a pas été modifiée malgré les réclamations de l’Entente. La « police de sécurité» représente une force de plus de cent mille hommes. La « protection des habitants » a permis de créer d’autre part dans toutes les régions de l’Allemagne des organisations très nombreuses : à Hambourg, elle compte plus de trente mille hommes, à Brème, plus de vingt mille, et on ne peut avoir de doute sur la véritable nature de ces formations, qui sont de véritables réserves exercées. Si l’on ajoute, à ce développement des effectifs, les renseignements que nous avons sur l’armement, sur la fabrication des canons et des mitrailleuses, on peut conclure que l’Allemagne essaie de reconstruire la puissance militaire que la guerre d’abord et le traité ensuite ont détruite. Malgré une diminution apparente des forces régulières et avouées, elle reconstitue sous d’autres noms ce qu’elle n’ose pas créer ouvertement. Elle n’invente d’ailleurs absolument rien : elle ne fait que reprendre, même dans le détail, le programme qui a été suivi après Tilsitt et après léna.

Les Alliés ont en mains le traité signé par l’Allemagne, mais on