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ne serait pas sans de graves répercussions sur la situation des Alliés. Il est plus vraisemblable que le Président a voulu soutenir une thèse qui a toujours été la sienne et qui est en accord avec sa politique internationale. En ce cas, une autre question se pose pour les Alliés et elle est embarrassante. Le président Wilson veut-il manifester sa volonté d’intervenir dans le règlement des affaires européennes ? et alors dans quelle mesure est-il d’accord avec l’opinion américaine ? Le Président est encore maître du pouvoir pour un an, mais il a contre lui les groupements politiques les plus nombreux et les plus forts de Washington, et les hommes qui ont eu ces derniers temps à s’occuper des intérêts des Alliés ont été amenés tout naturellement à s’entretenir non seulement avec le gouvernement, mais avec les diverses personnalités des partis qui seront peut-être le gouvernement de demain. La politique du président Wilson, contestée dès aujourd’hui en Amérique, est-elle de nouveau acceptée par la majorité et sera-t-elle celle de l’Amérique quand M. Wilson ne sera plus président ? Les débats qui se poursuivent aux États-Unis depuis déjà longtemps donnent aux Alliés quelque droit de se poser le problème. D’autre part le président Wilson est malade depuis plusieurs mois et se trouvait tenu éloigné des affaires. Le gouvernement paraissait être exercé d’accord avec lui par les ministres. Mais on apprend tout à coup que M. Wilson renvoie M. Lansing, secrétaire d’État des Affaires étrangères, qui était en désaccord avec lui et qui avait dû pendant la maladie du Président convoquer ses collègues pour régler les affaires urgentes. On apprend que d’autres secrétaires d’État parlent de donner leur démission. Le Président ne semble pas admettre qu’en son absence le gouvernement ait pu délibérer. Cet exercice du pouvoir a paru excessif, même à ceux qui croient à la nécessité de l’autorité : dans sa toute-puissance même, M. Wilson paraît de plus en plus isolé, et, à mesure qu’il est un chef d’État plus absolu, il est de moins en moins certain qu’il ait pour lui l’opinion.

Le secrétaire de M. Wilson s’est employé à démontrer que la note du Président n’avait pas le sens quelque peu comminatoire qui lui avait d’abord été attribué et que le Président ne menaçait pas de se désintéresser des affaires d’Europe au cas où sa thèse ne serait pas adoptée. Les Alliés, de leur côté, ont envoyé une note où tout en exposant leurs idées, ils laissent la discussion ouverte. Pendant le temps ainsi gagné, l’opinion américaine se prononcera et peut-être la situation se trouvera-t-elle éclaircie. L’incertitude où est l’Europe au sujet des intentions des États-Unis pèse gravement sur la politique