Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

achetée aux États-Unis. Un officier de marine, revenu de la côte du Pacifique, me disait l’autre jour que, de Vancouver au Cap Horn, on ne rencontre que ces bateaux, certains marchant à raison de trois nœuds à l’heure. Ils sont montés par des équipages anarchiques, les capitaines étant obligés de consulter leurs équipages sur la route à suivre. Mon collègue de C…, qui a l’occasion d’en voir quelques-uns, m’écrivait la semaine dernière : « C’est à verser des larmes de sang que d’assister à un tel gaspillage et à une pareille dépense de millions qui sont envoyés à la mer sans le moindre profit. » D’autre part, on nous dit que le Commissariat des transports envoie presque simultanément sur la Réunion et Madagascar quatre ou cinq navires parce que ces colonies ont des stocks accumulés, sans qu’il soit tenu compte que dans le port de la Pointe-des-Galets on ne peut guère manutentionner à la fois plus de deux navires et que les moyens de travail à Madagascar sont excessivement limités. On nous signale qu’il arrive constamment que, pour une opération demandant l’envoi d’un navire, on en affrète deux. D’Algérie, on nous affirme que l’on emploie au cabotage ou au transport du matériel, des navires qui devraient être affectés à un tout autre usage, et que les passagers sur France continuent à payer des tarifs ridiculement insuffisants. Quant à la Corse, alors que, dans toutes les parties du monde, le fret a quadruplé, elle jouit de ce privilège de conserver des tarifs de transport qui, si nous en jugeons par les prix qui nous ont été donnés, ne suffiraient même point à payer la manutention des marchandises.

Dans ces conditions, nous avons été stupéfait de lire dans la lettre écrite par le Comité des Armateurs de France au ministre des Transports, que l’Etat avait encore à sa charge 800 000 tonnes de navires, soit près de la moitié de notre flotte totale. Que fait cette flotte aux mains de l’Etat ? Qu’attendons-nous pour remplacer aux armateurs les unités coulées sous l’empire de la réquisition générale et pour procéder à la vente aux enchères, par les soins du service de la liquidation, des stocks du matériel naval restant ? Tant que cette opération, dont l’urgence s’impose, n’aura pas été accomplie, nous ne nous étonnerons plus du mauvais fonctionnement de nos transports maritimes ni des déficits de notre budget… Il a été accordé à la marine marchande 1 250 millions auxquels sont venus