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budgétaires des arsenaux. Comment vouloir comparer les résultats des travaux accomplis dans ces établissements à ceux de l’industrie privée, qui supporte toutes les charges que nous venons d’énumérer ? Cette seule question justifierait une longue étude. Bornons-nous à un fait typique. On nous pardonnera la légère indiscrétion que nous allons commettre. Puisse-t-elle contribuer à arrêter notre pays sur la pente fatale où il est en train de glisser !

Un établissement de la Marine, destiné à la fabrication des éléments métallurgiques entrant dans la composition des vaisseaux, travaille, depuis plusieurs années, dans des conditions paradoxales. Ses plans de fabrication changent constamment et entraînent des travaux de premier établissement qu’on est obligé de reconnaître inutiles, souvent même avant qu’ils aient été achevés. Cet établissement, qui possède environ 900 ouvriers, compte 7 ingénieurs et 11 officiers de travaux, soit une moyenne de 2 officiers pour 100 ouvriers. Une usine similaire de l’industrie serait dirigée par un ingénieur et 2 ou 3 officiers de travaux au maximum. L’ensemble du personnel surveillant comprend 77 personnes, soit 9 surveillants pour 100 ouvriers. Le personnel employé aux écritures ou à l’administration s’élève à 100 personnes ; il y en a donc plus de 10 qui écrivent pour 100 qui travaillent ; au total, 177 personnes dirigent, surveillent ou administrent pour 900 qui travaillent. Sur ces 900 ouvriers. 65 environ sont en état d’absence payée, 400 sont affectés aux dépenses indivises. La proportion des ouvriers affectés aux dépenses directes ne dépasse pas 55 pour 100 ; l’insuffisance des moyens mécaniques est telle qu’on est obligé d’affecter au mouvement général 150 ouvriers, soit 17 pour 100 de la main-d’œuvre totale. Les manutentions de charbon se font encore à bras, comme du temps de Colbert. On ne sera pas étonné de la proportion anormale d’ouvrière affectés aux dépenses indivises, si l’on réfléchit que l’usine passe son temps à remanier des plans d’ensemble, et à entretenir coûteusement tes vastes locaux destinés à loger l’armée de ses commis et de ses surveillants.

J’hésite a donner les chiffres de production de cette usine, tant ils sont lamentables. On n’arrivait pas, ces temps derniers, à produire 30 kilos, par jour et par ouvrier, de produits communs de fer de puddlage ou d’acier laminé, bloomé ou forgé.