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répartition qui risquerait de n’être plus en rapport avec les possibilités des divers chantiers.


Si rien ne justifie la décision de l’Etat de commander lui-même des navires, tout aurait dû, au contraire, le détourner d’un tel projet. Les bureaux des Transports Maritimes n’ont pas les moyens de surveiller l’exécution de l’entreprise dans laquelle ils se sont lancés. Celle-ci apparaît comme des plus aléatoires pour nos finances publiques. Nos bureaux ont démontré qu’ils ne se rendaient pas un compte exact des besoins de l’armement, les Compagnies exploitantes étant beaucoup mieux qualifiées pour définir les caractéristiques des navires qui conviennent à leurs lignes. Les types Garbs, qui ont été commandés et étudiés par les Transports Maritimes, ont un rendement déplorable. Quant aux grands schooners achetés inconsidérément par l’Etat, on pouvait en voir récemment une quinzaine dans le port de Marseille, où ils restaient inutilisés. Le Petit Marseillais faisait justement observer que ces bateaux encombraient les darses, alors qu’en rade des vapeurs, dont chaque jour d’attente coûtait 14 000 francs, ne cessaient de demander une place à quai pour procéder à leur déchargement. Et le grand journal de Marseille faisait remarquer : « Les marins n’ignorent pas que ces beaux voiliers aux formes imposantes et aux magnifiques lignes souffrent presque tous d’un vice grave provenant de leur construction trop hâtive ; ces coques, composées de bois vert, sont déjà fatiguées et « font de l’eau. » D’autre part, les deux machines à vapeur ou les deux moteurs dont ils sont tous munis sont absolument insuffisants, à tel point que ces navires ne peuvent effectuer aucun mouvement, même dans les ports, sans faire appel à un ou deux remorqueurs. »

L’Etat n’est pas davantage outillé pour suivre l’achèvement d’un navire, ni apte à en discuter le prix. Si l’on veut se rendre compte des dépenses qui vont être engagées pour la marine marchande dans ces conditions tout à fait anormales, il suffit de remarquer que les bâtiments destinés au réseau méditerranéen sont prévus, les uns à des vitesses modérées, les autres à des vitesses de 20 nœuds, et que pour les premiers, du type dit Duc-d’Aumale, la dépense semble devoir être par unité