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prendre en mains la construction. C’est à cette seconde solution, — la moins bonne, — que l’État s’est arrêté.

Le commissaire aux Transports maritimes, M. Bouisson, qui caressait depuis longtemps le projet d’une flotte d’Etat, réussissait, le 31 décembre 1918, à faire inscrire par le Parlement, dans la loi concernant les crédits provisoires applicables au premier trimestre 1919, un crédit de 250 millions pour la reconstitution de la flotte de commerce. Pour le deuxième trimestre de la même année, le ministre du Commerce demandait un nouveau crédit de 250 millions, au titre du compte spécial des Transports maritimes. Sur la proposition de la commission du budget, ce crédit fut, il est vrai, réduit à 100 millions.

Mais, au cours de la discussion, M. Bouisson annonçait son intention de déposer un projet de loi autorisant le gouvernement à ouvrir un crédit de deux milliards pour la reconstitution de la flotte marchande. Ce projet de loi était précédé d’un exposé dans lequel M. Bouisson faisait ressortir l’insuffisance de notre marine marchande ; il proclamait l’inefficacité du système des primes et des subventions et déclarait son intention d’inaugurer une politique maritime nouvelle. D’après lui, la marine marchande n’est pas une industrie spéciale, mais l’outillage du commerce extérieur, c’est-à-dire de toutes les autres industries, et l’État seul est en mesure de créer des moyens de transport maritime convenables entre la France et ses colonies, et d’assurer le prestige du pavillon français à travers le monde. Pour réaliser ce programme, il fallait que l’État passât aux constructeurs, au moyen de marchés à échelle, une commande de 3 millions de tonnes exécutable en cinq années ; une partie minime de cette flotte serait destinée au remplacement des bateaux torpillés sous le régime de la réquisition, une autre partie servirait à la création d’une flotte devant assurer les relations entre la métropole et les colonies ; enfin, une troisième partie constituerait une flotte que l’Etat pourrait rétrocéder aux armateurs. La dépense envisagée devait se monter à 2 milliards de francs. Les deux crédits de 250 millions dont il a été parlé précédemment, soit 500 millions, seraient admis comme acomptes.

Tout d’abord rien n’est plus faux que cette thèse nouvelle d’après laquelle l’armement devrait être, considéré comme l’accessoire des autres industries. Cette conception, opposée à