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Et quand on a cité cela, on aimerait de citer encore, après les écrits de M. André Hallays, ses entretiens familiers. Homme de lettres parfait, c’est-à-dire exactement le contraire de l’odieux « gendelettres, » cet « honnête homme, » se devait à lui-même d’avoir l’esprit de son siècle, — le XVIIe, — qui fut éminemment un esprit de société et de conversation. La causerie d’Hallays, ses propos de salon ou de table sont proprement un délice. Il excelle à développer une idée, à filer un raisonnement ingénieux, voire un brillant paradoxe. Possédant à fond le talent de bien dire, l’art de contredire, avec grâce, avec malice, ne lui est pas tout à fait étranger. Cela non pas tant pour briller aux dépens de l’adversaire, que pour le provoquer à la riposte et, — généreux, — la lui fournir.

Tairons-nous enfin, parce que souvent elle se cache, la sensibilité de ce cœur et cette affection, par nous dès longtemps éprouvée, dont la sûreté n’a d’égale que la discrétion et la réserve ? Plutôt que de se dépenser en banales formules, en paroles vaines, il lui plaît de ne se faire connaître qu’à des signes choisis, mais qui ne trompent pas, et qui ne manquent jamais. Aimant peu d’être loué, M. Hallays épargne volontiers la louange à ses amis. A ses amis présents ; mais, à peine ont-ils tourné le dos, qu’il se rattrape. On le sait, ils le savent eux-mêmes et parmi leurs amitiés les meilleures, les plus françaises, nulle ne leur est plus précieuse que l’amitié d’André Hallays.


CAMILLE BELLAIGUE