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M. Hallays naguère nous conseilla cette oraison. Il se plaignait alors que la gloire de Mme de Sévigné parût pencher vers son déclin. « C’est, disait-il, une religion qui s’en va. » Et il ajoutait avec mélancolie : « Serait-ce que la mémoire de Mme de Sévigné a quelque peu perdu de son prestige, depuis que tant et tant de femmes se sont poussées au premier rang dans les lettres françaises ? Ou bien serait-ce que nous devenons chaque jour plus insensibles à la pure beauté du style, plus incapables de goûter le plaisir subtil et délicieux d’un vers de La Fontaine ou d’une phrase de Sévigné, plus étrangers à ces inutiles agréments que réprouvent « les penseurs, » et qui n’en sont pas moins le plus précieux, le plus original de notre littérature ? » Nul aussi bien que M. André Hallays, — j’en appelle à l’auditoire de la Société des Conférences, — n’avait qualité pour rendre à la mémoire de Mme de Sévigné tout son prestige, pour nous faire, à nous, trouver ou retrouver dans « la pure beauté du style, » d’un style comme le sien, un « plaisir subtil et délicieux. »

Classique, cela est bientôt dit. Mais à tout propos, à chaque page, en relisant M. Hallays, il faut le redire. Rien de curieux à cet égard comme certain article, — inattendu, — sur les représentations d’Orange. On reconnaît ici le goût classique non pas seulement en toute sa pureté, mais avec toute sa finesse : un esprit, une sensibilité qui se gardent également, l’un des idées communes, l’autre de l’émotion romantique. Entre, une tragédie de Corneille et « le mur, » le fameux mur devant lequel elle se joue, le spectateur et l’auditeur qu’est M. André Hallays ne saisit, au lieu d’une harmonie, qu’une discordance. D’un bout à l’autre, et pour des raisons auxquelles tout vrai Français finira par se rendre, cet article est un petit chef-d’œuvre de bon sens, et du sens le plus original, puisqu’il va tout droit à l’encontre de l’opinion la plus répandue.

Moraliste, s’il ne faut pas être seulement cela pour juger un Beaumarchais, il n’est pourtant pas mauvais de l’être un peu. C’est même le meilleur moyen d’être équitable envers l’homme de lettres et l’homme d’affaires que fut l’auteur des Mémoires, du Barbier et de la Folle journée. Beaumarchais eut deux réputations : une bonne et une mauvaise. Son biographe estime qu’il les mérite toutes deux. « Brillant specimen du génie français, » a dit Carlyle. Carlyle exagère, et M. Hallays,