Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Te voilà donc, insidieuse et décevante,
Saison de plénitude et de débilité,
Qui mêles, certains jours, en ta langueur savante,
Les frissons de l’hiver aux splendeurs de l’été,

Automne, saison double et que l’on dit perfide,
Conseillère de songe et de renoncement,
Toi qui rends incertain le cœur le plus avide,
Et par qui l’horizon s’appauvrit lentement !…

Tu n’es point accourue, alerte et bondissante,
Écrasant de tes pieds les flammes du chemin ;
Tu t’es insinuée, à l’aube, par la sente ;
Ton voile bleuissant fermait mal sous ta main…

Et je te trouve assise, Automne, au banc de pierre
Qui domine la paix du fleuve et du vallon,
Offrant ta pâle tempe blonde à la lumière
Qui glisse, en frémissant, du coteau pâle et blond.

Assis à ton côté, j’ai laissé mon épaule,
Tandis qu’autour de nous, encor, tout se taisait,
S’incliner vers ton sein que mon haleine frôle :
Tu n’es point redoutable autant qu’on le disait.

Tu n’as ni la lourdeur des Pomones antiques,
Ni le décharnement que te prêtait René
Quand, baignant ses cheveux de brises romantiques,
Tu le consolais mal du remords d’être né…

Tu sens la pomme acide et la ronce mouillée,
Et toutes les odeurs amères des jardins ;
Les émanations de la forêt rouillée
S’unissent dans ton souffle à des parfums lointains,

A de tièdes parfums de roses défaillantes
Venus, parmi les vents, de parcs où les rosiers,
Sans que nul se penchât vers leurs tiges ployantes,
Neigeaient sur les buissons de houx et d’arbousiers…