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Guidés par le frisson de la source odorante,
Nous irons nous asseoir à l’angle du bassin
Dont l’eau toujours pareille et toujours différente
A, depuis trois cents ans, miré plus d’un beau sein.

Le multiple bosquet écartera ses branches
Devant nos pas liés par un rythme secret ;
Aux aguets sur son socle, entre ses nymphes blanches,
Diane semblera nous viser de son trait…

Vous prêterez en vain l’oreille pour entendre
Les conseils de l’orgueil, dans votre âme abattu ;
Quelque temps défaillante et lourde, et molle, et tendre,
Vous vous tairez ainsi que je me serai tu ;

Puis, débordant soudain de sanglots et de fièvres,
Vers moi vous dresserez, sans me dire encor rien,
Votre pâle visage et vos avides lèvres ;
Et c’est votre baiser qui cherchera le mien.


IV


Du balcon ténébreux où vous êtes venue
Accouder près de moi votre trouble incertain
Et rafraîchir l’ardeur de votre gorge nue,
Livrons nos yeux au parc si proche et si lointain.

Oublions que derrière nous la fête ondoie
Dans un déferlement de lumière et de bruit…
Voici que pour nous seuls s’éclaire et se déploie
Une fête plus pure offerte par la nuit.

Plus loin que le rectangle d’or de la fenêtre
Où glissent les profils tournoyants des valseurs,
Plus loin que la pelouse où l’on croit reconnaître
Les reflets trop précis des marbres et des fleurs ;