Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 56.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


S’il ne dédaigne pas l’ardente perfidie
Ni la complicité des soleils et des fleurs,
Il veut plus que l’appel que la chair lui dédie ;
Il fait monter aux yeux moins de feux que de pleurs.

Tu n’en seras pas quitte avec lui que tu n’aies
Répandu sous ses pas tes plus riches trésors,
Saigné secrètement ton sang par mille plaies,
Souhaité mille fois d’être semblable aux morts. »

Alors, tu te plairas parmi ta servitude,
Tu seras sans orgueil, et tu ne connaîtras
De l’univers, et de l’humaine multitude,
Qu’un visage adoré, deux lèvres et deux bras…

III


Non ; vous étiez trop belle et trop impérieuse
Sur la terrasse, au bord du lumineux été ;
Trop de fleurs vous faisaient une ombre radieuse,
Et trop de ciel s’était dans vos yeux reflété ;

Vous étiez trop mêlée à la splendeur des choses,
Trop sûre de mon cœur, de vous-même, et du jour,
Trop altière au-dessus des gazons et des roses :
Vous n’auriez pas compris mon ombrageux amour.

Déjà vous regardiez les mots que j’allais dire
Sur ma lèvre hésiter en craignant votre accueil ;
Entre mes cils mi-clos, j’ai vu votre sourire ;
Vous n’avez pas compris mon taciturne orgueil.

Vous n’avez pas compris… Mais ce soir, mais à l’heure
Où la jalouse nuit capte tous les rayons,
Où chaque tige cède au souffle qui l’effleure,
Où chaque parfum sombre en de frais tourbillons,

Où la plus svelte fleur, où la plus fière femme,
Comme sous le toucher de quelque lente main,
Sent fléchir sa corolle et se courber son âme,
Et longuement aspire au soleil de demain,