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leur avoir. Le total de la paie annuelle y est indiqué en drachmes, c’est-à-dire en monnaie égyptienne : complication peut-être, mais complication profitable à l’Etat, puisque, au lieu de 75 deniers tous les 4 mois, il arrivait à ne verser au soldat, grâce au change, que 62 deniers : soit un gain de 39 deniers par an et par tête. Comme, en outre, les empereurs, à leur avènement ou à l’occasion de quelque fait mémorable, avaient l’habitude de verser aux hommes des gratifications, souvent assez importantes, le bénéfice se renouvelait à chaque paiement ; chaque fois la générosité se tempérait sagement d’une opération financière. Pline avait raison de dire que les Romains étaient gens essentiellement pratiques.

Le papyrus de Genève nous apprend également le taux des retenues qu’on faisait subir au soldat pour pourvoir à son entretien. Là aussi, il est bien probable que le trésor réalisait habilement des économies. C’était, en effet, au gouverneur d’Egypte qu’il appartenait de réunir toutes les denrées, tous les objets nécessaires à l’armée ; il les demandait aux habitants comme surtaxe des redevances et des impôts fonciers ou bien il enjoignait aux individus et aux municipalités de les livrer directement aux intéressés à un prix déterminé ; après quoi, il se dédommageait en partie de ses avances par des prélèvements sur les soldes. Il y en avait pour le foin, celui que consommaient les chevaux d’armes ou les bêtes de somme attachées au train des équipages, pour l’alimentation des hommes (60 deniers par an et par tête), pour les chaussures et les bandes molletières (9 deniers), pour les effets, pour les armes ; il y en avait, en outre, pour la célébration des fêtes militaires, et aussi pour assurer à chaque soldat un petit pécule, déposé dans la chapelle du camp, sous la protection des enseignes.

Tous ces renseignements combinés ont permis à M. Lesquier de reconstituer le budget d’un légionnaire de l’armée d’Egypte au moment où fut écrit le papyrus de Genève, c’est-à-dire à la fin du Ier siècle de notre ère. Les recettes se composent de 744 drachmes par an ; les dépenses sont de trois retenues pour le foin, 30 drachmes, de trois retenues pour la nourriture, 240 drachmes, autant pour les chaussures, 36 drachmes, 20 drachmes pour la célébration des Saturnales et une somme de 4 drachmes, à déposer auprès des enseignes, ce qui fait un total de 330 drachmes. Restent donc 414 drachmes, une