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marchait à la manière de Kronos lui-même, en présence de tout le peuple, avec une dignité impudente et effrontée. Escorté de la foule des soldats, jouissant d’une entière liberté durant trente jours, il se livrait à des passions criminelles et honteuses et se plongeait dans des plaisirs diaboliques. Au bout de trente jours la fête prenait fin, Alors, après avoir achevé, suivant le rite, les jeux impies et indécents, celui qui avait joué le rôle du roi venait aussitôt s’offrir comme victime aux idoles immondes et se frappait de son épée. » Sans prendre au sérieux la virulence des expressions employées par l’auteur indigné ni même l’affirmation de suicide qui termine le passage, on peut se faire une idée, d’après ce texte, des folies qui se commettaient à cette occasion. Les plaisirs des légionnaires d’Egypte n’étaient assurément pas plus raffinés que ceux de leurs frères des autres corps d’armée.


En paix comme en guerre, concentrées dans de vastes camps ou dispersées dans la province, il fallait que ces troupes fussent payées et nourries, vêtues, armées, dotées de moyens de transport. L’Etat avait à pourvoir à tout cela. Les moyens pratiques qu’il mit en œuvre pour faire face à cette tâche multiple sont parmi les révélations les plus curieuses de nos papyrus.

La question de la solde n’a pas eu, chez les Romains, moins d’importance que chez les modernes. Point d’argent, point de suisse ; point de paie suffisante, point d’armée fidèle. Aussi vit-on se produire pour la solde des légions et par contrecoup des auxiliaires un phénomène qui est de tous les temps et de tous les pays : le taux en augmenta constamment au cours des siècles. Pour nous en tenir à l’époque impériale, elle était, depuis Auguste, de 225 deniers par an (environ 200 francs) ; Domitien la porta à 300, Commode a 375, Septime Sévère à 500 et Caracalla à 750. L’Egypte était soumise à la loi commune ; mais là, grâce à une ingénieuse opération, la charge était moins lourde qu’ailleurs pour le trésor.

Un document papyrologique, provenant du Fayoum, actuellement conservé à Genève, nous met sous les yeux le compte individuel, pendant un an, de deux fantassins, avec indication de leur solde, des retenues prélevées sur les sommes qui leur étaient dues et des économies qu’ils réalisaient sur