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maniaient pas eux-mêmes la pelle et la pioche ; ils faisaient office de piqueurs et dirigeaient l’effort des auxiliaires comme aussi de tous les terrassiers civils indigènes qui étaient réquisitionnés ou engagés pour l’opération.

Nous retrouvons aussi les soldats dans les carrières de la vallée du Nil et dans celles du désert arabique.

Chaque mine était placée sous le commandement d’un officier qui agissait d’accord avec l’ingénieur chargé de la partie technique. Là aussi, la troupe avait surtout pour mission de surveiller le travail des ouvriers, pour la plupart des condamnés aux travaux forcés, criminels de droit commun, juifs et plus tard chrétiens. Les restes des exploitations minières, partout les mêmes ou à peu près, le prouvent à l’évidence. La station formait une petite ville. La garnison occupait, au centre, un fortin ; tout autour, sur les crêtes, une série de postes de garde ; entre les deux, des maisons où logeaient les travailleurs, des étables, des écuries ; et puis aussi quelque petit temple à Sérapis ou à Isis, dont les murs ruinés nous ont conservé, gravées à la pointe, quantité de ces formules d’adoration que l’on nomme proscynèmes : « Proscynème de Marcus Longinus et de Gaius Cornélius, soldats de la centurie d’Herennius, l’année XIe de Néron ! » — « Proscynème de Gaius Benius Geler, de la première cohorte flavienne des Ciliciens, de la centurie de Julius, sous Dioclétien empereur ! » Le rôle considérable de l’armée dans l’exploitation des carrières est une des particularités les plus originales de la vie militaire en Égypte.

Enfin une notable partie de l’activité des soldats s’absorbait en des besognes de police dans les bourgades de la campagne aussi bien que dans les grandes agglomérations. De celles-ci, la plus importante, comme aussi la plus, turbulente, était assurément Alexandrie. La couche inférieure de la population, composée d’indigènes, d’ouvriers de fabrique, de matelots, ne connaissait que les querelles et les révoltes ; un écrivain, originaire de la ville et qui, à ce titre, était édifié sur ses compatriotes, prétend que les Alexandrins n’avaient pas de rivaux pour le vacarme ; les causes les plus futiles servaient de prétextes à de gros soulèvements ; la présence des Juifs riches et commerçants qui occupaient deux quartiers de la ville sur cinq n’allait pas non plus sans engendrer des jalousies et exciter les passions,