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les Marcomans sous Marc-Aurèle ; mais ces absences n’étaient jamais que de courte durée : une fois le péril conjuré, les soldats égyptiens regagnaient leur camp d’Alexandrie, de Ptolémaïs ou de Thèbes et reprenaient le cours de leurs occupations habituelles.

Le service de place y jouait, comme il est naturel, un rôle important. Nous le savons par un grand papyrus conservé à Genève, qui n’est autre chose qu’un tableau de service d’un corps pendant dix jours, pour une partie, du moins, de l’effectif. Il contient la mention de charges et d’occupations communes aux soldats de tous les temps et de tous les pays : gardes à monter aux portes du camp, auprès des officiers et des drapeaux, à l’arsenal ; corvées de propreté, nettoyage des casernements, apport de sable ou de chaux ; mais on y trouve aussi des données moins banales. On y voit, par exemple, que des sections étaient détachées dans les magasins d’Alexandrie, où venaient s’accumuler les blés destinés à être expédiés à Rome, pour y surveiller les ouvriers et collaborer à la manutention ; d’autres étaient mises à la disposition du directeur de l’hôtel des monnaies ou des fabriques de papyrus ; d’autres, adjointes au personnel de la flottille du Nil. Bien souvent aussi l’armée prenait part à des ouvrages d’utilité publique. Les nombreux bras du Nil dans le Delta et le réseau des canaux qui s’y rattachent avaient besoin de curages fréquents ; les routes qui reliaient le fleuve à la mer Rouge ou qui en suivaient les deux rives demandaient un entretien continuel et des améliorations ; on faisait appel, pour assurer les travaux, à la main-d’œuvre militaire. Au premier siècle de notre ère, lorsqu’il fallut construire à Coptos un camp et aménager des citernes sur la route qui reliait ce point à l’Erythrée, le gouverneur y envoya des soldats de deux légions, à raison d’un homme par centurie, soit 128 légionnaires ; des cavaliers appartenant à trois ailes différentes, soit 424 cavaliers ; des fantassins et des cavaliers de sept cohortes auxiliaires, soit 61 cavaliers et 788 fantassins : en tout, plus de 1 400 hommes et leurs cadres ; et quand le travail fut achevé, une inscription détaillée, qui nous est parvenue, en conserva sur pierre le souvenir. C’est un exemple typique de ce que l’Etat demandait à ses troupes d’Egypte. Il va de soi que, en pareil cas, les légionnaires, dont leur titre de citoyens romains faisait des privilégiés, ne