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l’Etat fut amené à y multiplier les troupes auxiliaires, plus faciles à recruter, puisqu’en principe elles étaient composées, non pas de citoyens romains, mais d’indigènes, moins lourdement armées, plus souples, plus mobiles, et à augmenter la proportion des cavaliers, soit en les mêlant aux fantassins dans des cohortes montées, soit en constituant des régiments homogènes, ou, comme on disait, des « ailes. » Fait notable : on trouve en Égypte des méharistes ; c’était vraiment ce que nous appellerions aujourd’hui une armée coloniale.

L’étonnant, au premier abord, c’est qu’elle n’ait pas été plus nombreuse. Il est vrai que l’on a constaté la même particularité pour la province d’Afrique qui embrassait tout le territoire de la Tripolitaine, de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc. J’ai calculé, quand j’ai eu à m’occuper de la question, que les forces réparties sur cette immense étendue ne s’élevaient pas à plus de 30 000 hommes, 6 000 légionnaires et le reste en troupes auxiliaires, alors que pour occuper la Tunisie et l’Algérie seulement, avant la guerre de 1914, nos effectifs atteignaient 58 000 hommes, sans compter les goumiers. L’Égypte, dont l’étendue ne peut pas se comparer à celle de la province d’Afrique, était dotée d’une garnison moins importante encore. Dans les premières années de la conquête, le total en montait à environ 25 000 hommes ; il tombe au ne siècle à un maximum de 13 000. On aimerait à comparer ces chiffres avec ceux du corps d’occupation anglais en 1913 ; mais le War Office est trop discret pour qu’un calcul quelque peu précis soit possible.

A la réflexion, on comprend que les Romains aient pu assigner au corps d’occupation égyptien des proportions-aussi modestes. Son service n’avait rien de très belliqueux. Les expéditions militaires dans la province même ou dans les contrées voisines, comme l’Arabie ou l’Ethiopie, sont contemporaines de l’empereur Auguste ; une fois le pays conquis et la sécurité assurée par des mesures sagement conçues, l’armée ne connut plus pendant deux siècles de guerres extérieures. De loin en loin, l’Empereur lui demandait bien quelque détachement légionnaire, quelque renfort d’auxiliaires pour venir en aide à des troupes, engagées sur d’autres frontières, contre les Parthes ou les Juifs au Ier siècle, contre les Parthes encore sous Trajan, contre les Juifs, de nouveau, sous Hadrien, contre