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surtout le long des frontières : en Angleterre, sur le Rhin, sur le Danube, à l’abri de remparts continus, faits de terre ou de pierres ; en Afrique, derrière un fossé, qui marquait la limite extrême de la domination romaine ; ils campaient dans des fortins disposés de distance en distance et s’appuyant l’un sur l’autre. Rien de tel en Égypte : la nature même des lieux s’y opposait. Point n’était besoin que l’armée fût répandue sur toute la largeur de la province et qu’elle dressât vers le Sud, dans la direction de l’Ethiopie, un barrage très développé. Le territoire confié à sa garde ressemblait à une longue oasis formée par la vallée du fleuve et enserrée entre deux déserts sur une largeur de vingt kilomètres en moyenne. Il s’arrêta d’abord à la première cataracte parce que là s’arrêtait aussi la navigation. Au-delà, les Romains avaient constitué, au temps d’Auguste, une sorte de pays de protectorat qui s’étendait jusqu’à Maharakah ; bien vite, cependant, ils reconnurent que cet État-tampon offrait plus de dangers pour eux que les voisins contre qui il devait les protéger ; ils installèrent des garnisons romaines dans la Basse-Nubie. La besogne était, d’ailleurs, bien plus aisée que sur les autres frontières, puisqu’il suffisait de tenir l’entrée de la vallée ; des postes placés de part et d’autre du fleuve, se faisant face, en interdisaient l’accès aux bandes ennemies ; en cas d’échec, le poste le plus avancé se repliait sur le suivant, où il trouvait un soutien. Il en fut ainsi jusqu’à Dioclétien, qui ramena la frontière à la première cataracte.


Un tel régime d’occupation nécessitait des troupes appropriées. Sans doute, comme partout, les légions constituaient le noyau des forces militaires : une armée romaine sans légion serait un non-sens. Le nombre en varia de trois à deux suivant les époques, pour se réduire à l’unité au milieu du IIe siècle. Mais l’organisation légionnaire, si parfaite pour la guerre en Occident, pour la conquête, pour la défense permanente des frontières dans les pays du Nord, convenait moins à la garde des régions africaines, vastes espaces, souvent privés d’eau, peu habités, où les communications, par-là même, sont moins aisées et la surveillance plus pénible. Pour adapter le corps d’occupation aux territoires qu’il avait mission de protéger,