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Tout cela est vrai aussi bien pour le développement et l’organisation de l’armée que pour les autres branches de l’administration. Autant de divisions territoriales, autant de corps d’occupation, dont le rôle est aujourd’hui reconnu, dont les effectifs peuvent être fixés approximativement, dont l’activité spéciale se précise ; tous ont une histoire personnelle, qu’il est possible de tracer et qui l’a été pour plus d’un.

Mais voici que, depuis une vingtaine d’années surtout, une autre sorte de documents est entrée dans la circulation scientifique, plus précieux encore que les inscriptions, en ce qu’ils nous font pénétrer plus intimement dans les détails de la vie de chaque jour, pour une province, du moins, de l’Empire, pour l’Egypte : je veux parler des papyrus. On sait que la plante qui porte ce nom se cultivait surtout dans la vallée du Nil, particulièrement dans le Delta. Avec la moelle, on formait des assemblages de bandes agglutinées qui constituaient autant de feuilles, plus ou moins grandes. L’usage en était très répandu : on s’en servait, comme de notre papier, pour les besoins de l’existence intellectuelle, du commerce, des affaires, de l’administration. Malheureusement pour nous, la matière même des papyrus ne pouvait pas résister à l’action du temps ; cette moelle délicate était à la merci de tous les agents destructeurs qu’engendre l’humidité et que transporte l’atmosphère ; si bien que rien ne subsiste plus guère de la masse des manuscrits répandus dans les diverses parties du monde antique. Seule, l’Egypte fait exception. La merveilleuse sécheresse de son climat sauve de la destruction ce que le sable recouvre ; ses papyrus ont résisté à l’œuvre des siècles, tout comme ses momies. Bien plus, ce sont ces momies elles-mêmes qui nous les ont conservés. A l’époque ptolémaïque, il était d’usage de recouvrir les corps embaumés de cartonnages, où l’on peignait des hiéroglyphes ou des ornementations et que l’on appliquait comme parures sur la poitrine, sur les bras, sur les jambes ; pour confectionner ces cartonnages, on employait précisément des papyrus de rebut. On les utilisait même dans les momies d’animaux sacrés : au cours de leurs fouilles si heureuses au Fayoum, deux savants anglais, MM. Grenfell et Hunt, ont rencontré auprès du temple du dieu crocodile Seknebtunis, toute une nécropole de crocodiles momifiés. Les cadavres étaient enveloppés dans des bandes de vieux papyrus, tandis que les