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passaient leur disent : il y a une pierre à gauche ; frappez avec et l’on vous ouvrira. » Ce qu’ayant fait, ils entendirent Piquet venir, disant : « C’est de nos gens. » Et il ouvrit aussitôt. Les Commissaires apprirent de la sorte que, entre autres personnes, la citoyenne Simon logée, comme on l’a vu, dans une maison voisine de la Tour, se procure ainsi le passage. Que vient faire là l’épouse du savetier ? Comment, à la rencontrer dans les cours de la prison, personne ne s’étonne-t-il de sa présence ? Pourquoi cette tolérance pour elle et tant de sévérité pour Tison, l’ancien valet de chambre des princesses ? Car celui-ci est maintenant au secret, dans une chambre de la petite Tour ; une chambre sans air et sans jour qu’éclaire seulement une meurtrière donnant sur l’escalier du donjon. Quel crime a commis Tison ? Nul ne le sait ; en décembre 1793, Hébert a demandé au Conseil Général que la question fit l’objet d’un rapport. Ce rapport, rédigé par Godard, concluait à la mise en liberté du détenu, « l’examen le plus minutieux n’ayant rien dévoilé qui fût à la charge du dit Tison. » Mais quelqu’un a intérêt à ce qu’il demeure reclus et obtient du Comité de Salut public l’ordre d’ôter au malheureux « toute communication et de réduire son traitement de 500 livres par mois au simple nécessaire. » Qu’a-t-il fait, qu’a-t-il dit, qu’a-t-il vu cet homme que la Commune garde captif, au secret, durant de longs mois, sans l’informer des causes de sa détention, sans écrou, sans procès, sans jugement ? Au moins les prisonniers d’État internés jadis à la Bastille avaient la consolation de ne pas ignorer qu’on les incarcérait parce que tel était « le bon plaisir du Roi.. »


Depuis l’exode de Simon, un silence absolu enveloppe donc le Temple : des deux prisonnières du troisième étage on parle encore quelquefois : au Conseil général, un jour, Daujon, indigné, réclame contre la dépense exorbitante qu’occasionnent à la Commune les bouillons médicinaux fournis à la fille du tyran ; une autre fois Godard expose que « ayant fait la visite des appartements, la femme Elisabeth lui a présenté son dé à coudre, percé et hors d’usage. » Il remarque que « ce de est en or et demande à le déposer avec son étui sur le bureau. » La Commune, grande et généreuse, arrête que cet objet sera