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froide de toutes, il pleurera, il frappera de ses petits poings la cloison sans porte, il appellera à grands cris ses gardiens, sa maman qu’il croit toujours à l’étage supérieur, il interpellera les commissaires quand ils entreront dans l’antichambre précédant sa cellule, et les porteurs de bois qui allumeront le poêle, et les garçons servants qui déposeront sa nourriture sur la tablette de son guichet ; il n’est ni taciturne, ni timide ; il tient de Simon, on ne le sait que trop, un vocabulaire qui lui permet d’exprimer sans périphrase l’ennui qu’il va éprouver de son isolement. Sa sœur et sa tante ne cesseront pas tout à coup de percevoir l’écho de ses chants et de ses jurons. La vieille Tour du Temple est sonore, puisqu’on distingue d’un étage à l’autre le choc des pions sur le trictrac. — Rien de tout cela : les deux princesses qui guettent continuellement le moindre bruit, de nature à les renseigner sur ce qui se passe dans le donjon, déroutées par le silence qui pèse maintenant sur leur prison, seront persuadées que le jeune prince a été enlevé et qu’on l’a remplacé par un étranger. Parfois elles entendent une porte s’ouvrir : jamais ni un mot ni un cri !

Peut-on tirer quelque lumière des comptes du Temple, si abondants et si révélateurs pour la période qui précède le départ de Simon ? Pas davantage. Il a fallu cependant, pour clore la cage où le petit roi va s’étioler, recourir à des ouvriers : on ne ferre pas une porte, on n’établit pas un guichet ou un tour, sans l’assistance d’un menuisier et d’un serrurier : or les mémoires conservés dans nos archives ne nous révèlent rien de semblable. Tout ce qu’on rencontre c’est, à la date du 27 pluviôse (15 février) cette indication : « Dans le logement du petit Capet, dans un châssis de cloison au-dessus du poêle de sa chambre, fourni une pièce de verre blanc de 22 x 12 pouces… ci 7 livres, 10 sols » et, quinze jours plus tard, le 11 ventôse, — 1er mars, — la note d’un travail exécuté « au deuxième étage de la Tour pour démonter et nettoyer les tuyaux du poêle de la première pièce et les avoir remis en place en dedans, dans sa longue traverse et en dehors, dans toute la hauteur de la Tour, » renseignements très vagues d’où ressort du moins cette conclusion qu’on entrait dans la chambre du petit captif, puisqu’on y posait une vitre et qu’on y prolongeait les tuyaux du poêle de l’antichambre.

Il suffit, d’ailleurs, d’un regard à la distribution de