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reparaître à la Tour et expédia un porte-clefs à sa femme « pour lui ordonner de faire ses paquets et de descendre dans le plus bref délai. » Mais bientôt repentant de sa précipitation, il sollicita l’autorisation de rester dans l’enclos du Temple et on l’installa avec sa femme « au-dessus des écuries ; on les nourrit même aux frais de la maison. » Cependant, au bout d’une dizaine de jours, l’économe s’étant plaint de cette augmentation de dépenses, les Simon remontèrent, le 19 janvier, à leur second étage de la Tour, pour présenter le petit Capet aux commissaires de service et obtenir d’eux une décharge régulière. Après quoi, « rendus à la liberté, ils quittèrent la Tour le jour même. » Si les faits se succédèrent ainsi, le Dauphin serait donc resté sans surveillant, et les Simon sans décharge, durant douze ou quatorze jours. Etait-ce là ce que l’on souhaitait et Simon, en simulant le dépit, obéissait-il à des ordres reçus ? Peut-on admettre que, même sous l’impulsion de la colère, il abandonne, sans couvrir sa responsabilité par un reçu en règle, l’enfant qu’on lui a confié ? Si son caractère emporté et sa bêtise l’ont aveuglé sur les conséquences d’une telle imprudence, est-il, d’autre part, vraisemblable que les commissaires composant le Conseil du Temple ne l’aient pas aussitôt signalée à la Commune, afin qu’elle assurât la surveillance du petit Capet ?

Il est bien regrettable que les nombreux historiens qui ont, depuis plus d’un siècle, étudié la triste vie de Louis XVII, l’aient tous racontée avec un parti pris non dissimulé : ils avaient pour but de « prouver quelque chose, » soit l’évasion, soit la mort au Temple, soit la survivance du prince en tel ou tel des « faux-Dauphins. » Ils ont choisi, parmi les documents accessibles, les seuls avantageux à leur thèse : c’est ainsi que sont demeurés en très grande partie inutilisés tant de renseignements amassés dans les Archives de la Commune aujourd’hui disparues et où se trouvait} bien probablement, la solution de l’énigme du départ de Simon. Pour mettre actuellement en pratique le sage et vieil adage : ad narrandum, non ad probandum, on se trouve singulièrement dépourvu. Tout ce qu’il est possible de constater, c’est que le Dauphin et son précepteur se quittèrent « bons amis. » Un soir, — évidemment entre le 5 et le 19 janvier 1794, — Simon était allé retrouver au café Desnoyers, rue des Filles-Dieu, Hébert qui