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RÉCEPTION DU MARÉCHAL FOCH
À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

Le maréchal Foch a pris séance à l’Académie le 5 février. Presque jamais sans doute, on n’avait vu une telle affluence. Les invités des places du centre sont groupés en paquets séparés par des cordons d’agents. Il fait joli temps, temps d’hiver, ensoleillé et presque chaud. Un membre de l’Institut, en habit vert, traverse la cour. Un général est dirigé vers la bibliothèque. A l’intérieur il y a encore des barrages. Et quand on arrive enfin sous la Coupole c’est une houle noire et blanche sous le jour blanc. On se presse sur les banquettes, les tabourets se serrent, la foule s’entasse jusqu’au pied du bureau.

Au roulement des tambours, M. Poincaré entre et prend place entre M. de Régnier et M. Masson. Le maréchal Foch, entre ensuite. Il porte l’uniforme d’académicien, non point fermé et monastique, comme c’est aujourd’hui la mode, mais ouvert sur le col droit et sur la cravate blanche. Le cordon de la Légion d’honneur barre obliquement le plastron. La médaille militaire est épinglée sur le revers brodé de feuilles d’olivier. On a supprimé cette petite table où le récipiendaire s’appuie d’ordinaire, comme une divinité champêtre à une stèle chargée d’offrandes. Le maréchal se tient droit, les épaules effacées, dans une pose de vieux chef et de jeune officier. La lumière froide qui tombe du centre modèle le front et le nez busqué. Le maréchal lit d’une voix égale et timbrée, comme il lirait un rapport. Il accentue les mots, en donnant l’importance à l’avant-dernier. On sent qu’aucun de ces mots n’est inutile. Il les marque tous avec la même énergie, et quand il a mal lu, il est obligé de reprendre du souffle pour se corriger. Pas de gestes. Le papier est tenu devant lui, à deux mains, dans une attitude réglementaire. Quelquefois, pour