Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/879

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’EFFORT FRANÇAIS

LA
CROISADE DE SALONIQUE
(12 OCTOBRE 1915-13 NOVEMBRE 1918)

II[1]


III. — LA DÉLIVRANCE DE LA MACÉDOINE

« Qu’es-tu ? » — « Je suis Français. » Debout devant l’officier qui l’interroge, le pâtre macédonien en guenilles roule dans ses mains calleuses sa coiffure ternie, un calot jadis bleu horizon ramassé au bord d’une route ; les jambes lourdes s’enveloppent de chiffons enroulés, tenus de ficelles ; la redingote de bure brune sans manches laisse passer la grosse toile de la chemise grise ; la face enivrée, crevassée, grisonnante, reste basse, insoucieuse du gendarme correct, du Père assomptionniste, interprète sévère dans sa barbe assyrienne, du juge improvisé devant lequel on le traîne, fugitif conquérant encore, après le Bulgare, le Serbe, le Turc. Il s’est laissé prendre aux portes de la ville de Monastir où entre l’armée française, paissant ses moutons dans les prés que frappe, rancunier, l’obus bulgare ; son impassibilité a paru suspecte ; n’est-il point de connivence avec les artilleurs ennemis ? Mais dans la salle d’interrogatoire, quand le 105 troue la cour voisine, il

  1. Voyez la Revue du 1er février