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A la vérité, cet amour dura moins longtemps, et lorsqu’Arouet eut quitté la Haye, un jeune page du nom de Guyot de Merville s’efforça de faire oublier à Pimpette son dernier galant.

Pendant ce temps, Mme du Noyer, en procès avec le chef des camisards, — elle voulait retrouver ses avances et ses prêts, — est sollicitée par un certain Lafond [1] qui l’entretient d’un nouveau projet de mariage pour Pimpette. On verra qui était cette fois le prétendant.

Il disait se nommer Winterfelt, sujet du duc de Wurtemberg, possesseur d’une belle terre dans le duché riche, noble... Voilà notre commère de nouveau ravie... Mais Pimpette, cette fois, ne se décidait pas, elle n’avait toujours que Cavalier en tète. — Qu’il quitte sa femme ! et l’on verrait bien !...

Lafond fit tant que Winterfelt plut enfin à la jeune fille, à la vérité, peu farouche ; les deux hommes, alliés, la séduisirent encore par la description de somptueux châteaux, conte- nant beaux meubles, vaisselle plate, nombreuse valetaille, — et puis le galant avait vingt-deux ans, une agréable figure : Pimpette aima de nouveau.

Hélas encore ! Mme du Noyer écrivit plus tard : « Je ne sais où ce fripon pêchait toutes ces révélations fabuleuses... tous ses châteaux étaient en Espagne. »

Rien n’est plus divertissant que les incidents invraisemblables de ce mariage. Le dénuement de l’époux est grand ? Personne ne s’en doutera : comme le marquis de Carabas, dont les habits furent volés sur le rivage pendant qu’il se baignait, Winterfelt, au moment des fiançailles, se trouve sans vêtements, et sans linge : c’est qu’il a déjà expédié tous ses coffres à Francfort ! et Mme du Noyer, sans méfiance, l’équipe.

Un fois marié, le nouvel époux enverra « l’infâme Lafond » chez sa belle-mère pour déménager les meubles : ils sont d’un goût si parfait que Winterfelt désire les faire copier, et on posséder de semblables ; mais les meubles ne revinrent jamais.

Cependant les nouveaux mariés mènent grand train à Delft et font bonne chère. D’ailleurs, ils semblent au début s’entendre à merveille. Pimpette écrit chaque jour à sa mère, et ce

  1. Plus tard. Mme du Noyer découvrit que ce Lafond n’était autre qu’un agent de Cavalier. Celui-ci, voulant se venger de la mère, ne trouva rien de mieux que de marier la fille.