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APRÈS LES ÉLECTIONS


I. — LE SCRUTIN DU 16 NOVEMBRE

La France a pour fonction historique en Europe de protéger la civilisation contre les grands asservissements. Par elle l’équilibre est maintenu : elle lutte cent ans, trente ans, sept ans, en un mot les années qu’il faut pour barrer le chemin aux dangereuses hégémonies. Au cours de ces luttes formidables, son territoire a été souvent envahi, parfois sa capitale occupée : mais elle a toujours eu raison de ses adversaires. Le monde germanique, le monde britannique, le monde ibérique, le monde slave ont été alternativement ses adversaires et ses alliés ; tous et chacun ont fini par s’apercevoir que mieux valait s’entendre avec elle dans la paix que de tenter d’écraser en elle les libertés européennes.

La France est un pays bien proportionné, harmonieusement assis sur le continent et sur l’océan. A l’extrémité de cette presqu’île si délicatement dentelée qu’est l’Europe, la France au triple rivage représente éminemment la politique des presqu’îles : ni la terre ni la mer exclusivement, mais les deux à la fois, et modérément. Quand elle a cherché d’autres voies, c’est qu’elle a pris ses guides hors d’elle-même. Revenue à ses instincts propres, elle se lient aux formules d’un Richelieu ou d’un Vergennes : ses limites naturelles lui assurent, selon l’expression même du ministre de Louis XVI, un « état d’arrondissement suffisant. »

Cette politique ne va pas sans difficultés intérieures et extérieures. On n’est pas toujours libre d’être sage. La politique est chose vivante ; elle subit les à-coups de !a vie. La France veut