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et de la situation politique dans l’Europe d’après la guerre.

Si la liberté rhénane est une plante naturelle, produit du terroir et de l’histoire, c’est une plante délicate dont les premiers ans ont besoin d’être protégés contre les ennemis qui la voudraient détruire. La fureur des Prussiens aurait frappé les hommes énergiques qui se faisaient les porte-parole du peuple rhénan et aurait étouffé toute velléité d’autonomie par les procédés qui lui sont habituels, si les chefs des armées alliées ne s’y étaient opposés. Dans la zone française, le général Mangin, commandant la 10e armée française en Hesse et dans une partie de la Prusse rhénane, et le général Gérard, commandant la 8e armée dans le Palatinat, se sont acquittés de cette tâche délicate avec une fermeté et une réserve qui leur ont gagné la confiance des populations : elles se sentaient protégées sans redouter de se trouver contraintes. Lorsque, au mois d’octobre dernier, les deux grands chefs français, ainsi que le général Fayolle commandant du groupe d’armées, furent simultanément remplacés, par suite d’une organisation nouvelle, par le seul général Degoutte, il y eut parmi les Rhénans, surtout dans la zone du général Mangin, outre des regrets justifiés, quelque incertitude et quelque appréhension. De fait, ils purent se demander si le nouveau commandant en chef n’avait pas reçu des ordres trop rigoureux d’abstention, quand ils le virent refuser l’autorisation, accordée dans les zones des autres armées alliées, d’afficher dans la zone française, de beaucoup la plus étendue, la proclamation de l’Union populaire rhénane. Les Rhénans ont pu se rendre compte que l’éminent chef qu’est le général Degoutte, pas plus que ses glorieux prédécesseurs, ne les abandonnera aux vengeances prussiennes. Le récent complot qui a menacé la vie du Dr Dorten leur en a fourni la preuve.

Déjà, à trois reprises différentes, par ordre des autorités de Berlin, le Dr Dorten avait été arrêté, deux fois par les autorités prussiennes en zone anglaise et américaine, une fois par les autorités hessoises en zone française ; il s’agissait d’enlever le chef du mouvement séparatiste, de le transporter en territoire non occupé pour lui intenter un procès de haute trahison. Chaque fois ces tentatives de violence et d’arbitraire ont été déjouées par les autorités militaires alliées et le Dr Dorten remis en liberté. Cette fois il s’agissait de le supprimer comme l’a été Kurt Eisner. Le chef de la police de Wiesbaden et trois de ses