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pas craint de proclamer cette vérité un peu rude, mais nécessaire à connaître, que l’ère des sacrifices n’est pas close : il a fait un énergique appel à la moralité et à la conscience publiques, et sous une forme ou sous une autre, le Parlement y répondra.

Les affaires extérieures présentent un aspect de plus en plus confus et préoccupant. Le traité de paix avec l'Allemagne a été mis en vigueur le 10 janvier, et il reste à en assurer l’application ; mais l’Allemagne secouée par les menaces de réaction pangermaniste et de révolution marche à une crise grave et peut-être à la faillite. La Société des Nations a tenu sa première séance, et il faut s’occuper de son développement, mais les États-Unis qui doivent y tenir une place importante sont toujours hors de la paix et n’ont pas fini de discuter le traité. Encore est-il à peine exagéré de dire que ces deux grandes questions ne sont pas les plus obscures de celles qui sont posées. L’Europe centrale et l’Europe orientale sont pleines d’orages : le problème de l’Adriatique est toujours en suspens, le problème turc n’est pas réglé, l’Autriche est menacée de la famine, la Hongrie garde une attitude équivoque, la Pologne et la Roumanie souffrent de difficultés économiques et ont besoin de se protéger contre le bolchévisme, le monde musulman s’agite, et la Russie demeure un mystère. De quelque côté qu’on se tourne, les sujets graves surgissent. La question de l’Adriatique est entrée dans une phase nouvelle dont l’évolution dernière n’est pas encore connue au moment où nous écrivons. Les États-Unis avaient proposé, au cours des négociations de paix, un règlement du problème qui divise l’Italie et les Yougo-Slaves, mais ce règlement n’ayant pas été admis, M. Lloyd George avait proposé le 14 janvier une solution nouvelle. La commune de Fiume aurait constitué un État indépendant, qui aurait eu le droit de confier à l’Italie le soin de le représenter dans ses relations avec les autres États. Le port de Fiume, la gare, la ligne de chemin de fer auraient appartenu à la Société des nations. Le faubourg de Souchak aurait été en territoire yougo-slave, tandis qu’à l’Ouest de la ville on aurait attribué la route qui longe la mer à l’Italie, et le chemin de fer qui longe la route aux Yougo-Slaves. Le gouvernement de Belgrade, à qui ce projet avait été transmis, a répondu le 20 janvier, en faisant certaines concessions, mais en faisant aussi des réserves. Les Yougo-Slaves, en particulier, ne se sont résignés à perdre ni la population slave de l’Istrie orientale, ni le port de Baros, dépendance du faubourg de Souchak ; ils se sont refusés à admettre