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REVUE LITTÉRAIRE

PAUL ADAM

Si l’on veut être bien sûr de ne pas se contredire, il vaut mieux ne dire qu’une chose et la dire en peu de mots : dès que la phrase se prolonge, elle risque de tourner et d’aller ailleurs. Mais, Paul Adam, soixante volumes ne l’ont pas contenté. L’œuvre qu’il laisse inachevée, si abondante déjà, si énormément riche, devait s’enrichir encore ; et elle tendait à de nouveaux développements, plutôt qu’à une conclusion. Elle n’est pas simple et harmonieuse ; elle ne ressemble pas à un syllogisme. Elle est turbulente ; on y remarque du désordre. Et, si l’on aime qu’un écrivain médite longtemps une seule idée, puis vous l’apporte enfin mûrie, et fût-elle un peu défraîchie, l’on n’aura guère de plaisir à lire Le mystère des foules, Le triomphe des médiocres, ni même La bataille d’Uhde ou Le Trust. Mais, si l’on aime le conflit des idées, leur tumulte et l’émoi d’une pensée que sollicitent de perpétuelles préférences et qui, dans le doute, choisit hardiment le pour et le contre ; et, par exemple, si l’on aime les Encyclopédistes autant que les Classiques et si l’amitié qu’on a pour Despréaux ne vous interdit pas Denis Diderot, certes il faudra que l’on reconnaisse à l’œuvre de Paul Adam, si imprudente quelquefois, de la grandeur et de la magnificence.

C’était un homme robuste et ardent, qui travaillait avec joie. Il avait une forte carrure. Il avait la tête solide, les cheveux drus, les yeux vifs et, dans le regard, une belle flamme, les traits bien marqués, l’air de l’énergie et delà virile douceur. Il ne semblait jamais languir ; et sa ferveur et sa fierté se voyaient en plein : la plus légitime fierté, une noblesse naturelle de l’esprit et une fougue juvénile