Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/679

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


LITTÉRATURES ÉTRANGÈRES

SIX COMÉDIES DE BERNARD SHAW


HEARTBREAK HOUSE, GREAT CATHERINE, ETC. [1]


Il y a dans les musées de ces horloges d’autrefois, au timbre suranné, délicates boîtes à musique surmontées de poupées en robes à paniers ; leur petit carillon nous transporte dans un autre siècle et, chaque fois que l’heure sonne, par un ingénieux mécanisme, une ritournelle se déclenche, les poupées pivotent en mesure, agitent leurs petits bras et leurs petites jambes et exécutent un léger fantôme de menuet. J’imagine à peu près ainsi l’impression qu’auront éprouvée les lecteurs anglais en ouvrant le nouveau volume du Théâtre de M. Bernard Shaw : même cartonnage vert laitue, même préface cravachante, même personnel un peu « loufoque, » mêmes paradoxes, même esprit, — tout cela était bien fait, comme les vieux joujoux à musique, pour donner aux Anglais qui revenaient de la guerre l’illusion qu’elle n’était qu’un rêve et qu’il n’y avait rien de changé.

Tout le monde sait en effet que, depuis une trentaine d’années, le célèbre écrivain irlandais, comme son compatriote et son ancêtre le doyen Swift, est en possession de jouer dans son pays le rôle d’enfant terrible. L’auteur des Comédies désagréables et de John Bull et son autre Ile s’est donné à tâche d’irriter ses concitoyens et de les inquiéter dans le sentiment qu’ils ont de l’ordre de l’univers. Il y a un humour proprement

  1. 1 vol. in-8o. Londres, Constable et Cie, 1919.