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SOUVENIRS DE CAPTIVITÉ EN ALLEMAGNE

Vlaamsche Post, était fondée à Gand. Quelques jeunes fanatiques, quelques cerveaux brûlés la rédigeaient sous la direction occulte d’un certain docteur Wirth et du pasteur calviniste Domela Nieuwenhuis, le premier, métis germano-batave installé en ville dès les débuts de l’occupation pour s’y acquitter d’une louche besogne de police intellectuelle, le second, énergumène violent et borné, que ses aspirations pangermanistes et son sectarisme protestant animaient depuis longtemps déjà contre la Belgique, dont il était l’hôte salarié, d’une haine à laquelle l’occupation allemande fournissait enfin l’occasion de se faire jour. Dès le début, tous les dirigeants notoires du parti flamingant avaient repoussé avec indignation les avances de la petite gazette. Le mépris qui l’entourait n’avait fait que la rendre plus éhontée. Rageusement, elle dénonçait ceux qui, au milieu du silence imposé à la presse belge, s’attachaient à dévoiler les buts de sa propagande et l’origine de ses ressources. Déjà un flamingant patriote, M. Alphonse Sevens, avait été condamné par un tribunal militaire et emprisonné en Allemagne. Fredericq et moi étions abondamment pris à partie dans les colonnes du journal, lui comme un renégat, traître à la Flandre enfin libérée par l’Allemagne du joug latin, moi comme l’apologiste officiel de l’unité de cette Belgique, opprobre de l’Europe, vendue aux ennemis du germanisme et dont le nom même devait disparaître bientôt du langage des hommes.

Si, comme je le pense, on avait fondé sur nous quelques espoirs, ils étaient bien déçus ! Ils ne devaient pas tarder à l’être davantage encore. Comme nos collègues, nous étions naturellement décidés à ne pas reprendre, sous le contrôle de l’ennemi, notre enseignement à l’Université, et comme eux nous n’hésitâmes pas à l’affirmer, au cours des quelques séances du Conseil académique que la Kommandantur, escomptant une résolution favorable à ses désirs, avait autorisées. Les murs avaient des oreilles ; ce que nous avions dit, comme tant d’autres, fut bientôt répété à qui désirait le savoir. Il n’en fallut pas davantage pour nous faire accuser d’avoir provoqué un refus qui était celui de tous. Le Vlaamsche Post imprimait avec une curieuse impudence que nous « terrorisions » nos collègues. Les choses se gâtèrent tout à fait quand, le 7 février 1916, les professeurs furent invités à déclarer s’ils « étaient en