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SOUVENIRS DE CAPTIVITÉ
EN ALLEMAGNE

(Mars 1916-Novembre 1918)

I

Aujourd’hui encore je me demande, sans pouvoir trouver une réponse satisfaisante à cette question, pourquoi mon ami le professeur Paul Fredericq et moi-même, avons été subitement arrêtés à Gand, le 18 mars 1916, transportés en Allemagne et retenus en captivité à titre de « personnes extrêmement dangereuses » jusqu’après la signature de l’armistice du 11 novembre 1918. De nombreux amis connus et inconnus ont émis à ce sujet toutes sortes de conjectures, et sans doute ce que notre arrestation présentait d’inexplicable n’a pas été sans contribuer largement au bruit qu’elle a provoqué dans la presse et à l’intérêt qui nous a été témoigné. Cet intérêt a persisté après notre libération. C’est pour répondre à un désir exprimé maintes fois et dont nous sommes l’un et l’autre profondément touchés, que je me décide à écrire ces pages. On n’y trouvera ni récits dramatiques, ni révélations sensationnelles. En comparaison de celle de tant de victimes, de martyrs et de héros, notre histoire paraîtra bien vulgaire. Les conditions dans lesquelles nous avons été placés nous ont même empêchés d’être témoins d’horreurs dont nous avons fréquemment entendu les récits, mais dont la vue nous a été épargnée. Au surplus, nous n’avons passé que peu de mois dans des camps, en compagnie