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SOUVENIRS DE MON MINISTÈRE

IV [1]
NICOLAS II

C’est dans la retraite où je compose cet ouvrage et au moment même où j’allais aborder la tâche, difficile et délicate entre toutes, de fixer les traits de l’Empereur Nicolas II, qu’est venue me frapper la nouvelle de la mort lamentable du malheureux souverain, lâchement assassiné dans un coin éloigné de la Russie, séparé de la femme et des enfants qu’il avait si tendrement aimés, réduit, assure-t-on, à l’ombre de lui-même par plus d’une année de souffrances morales et de privations. Le premier effet de ce coup fut de me faire tomber la plume de la main : pouvais-je, devant cette tombe encore fraîche, prononcer un jugement sur Nicolas II et, tout en m’efforçant de défendre sa mémoire contre la calomnie, ce que je ne puis faire qu’en disant tout ce qui me paraît être la vérité sur son compte, toucher peut-être maladroitement à des cœurs sanglants qui, — on voudrait, malgré de sinistres rumeurs, l’espérer encore, — n’ont pas cessé de battre et de souffrir ?

Voici ce qui me décide à ne pas reculer devant cette tâche. Le monde, secoué depuis quatre années par tant d’événements tragiques, accueillit la nouvelle de l’assassinat de Nicolas II avec une sorte d’indifférence ; la plupart des journaux

  1. Voyez la Revue des 1er juin, 1er juillet et 1er novembre.