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REVUE DRAMATIQUE


Théâtre des Arts : L’Ame en folie, comédie dramatique en trois actes de M. François de Curel. — Variétés : La Chasse à l’Homme, comédie en trois actes de M. Maurice Donnay. — Comédie-Française : Le Prince d’Aurec, comédie en trois actes de M. Henri Lavedan. — Œdipe au Cirque.


C’est au théâtre des Arts, sur les hauteurs des Batignolles, que M. François de Curel a fait représenter sa nouvelle pièce : l’Ame en folie. Le choix de ce théâtre excentrique et lointain nous a remplis d’aise. Il nous reportait au beau temps du Théâtre libre, qui fut pour les hommes de montage l’époque de leur jeunesse. En ce temps-là, on partait, pèlerins passionnés de l’art, vers des impasses de l’Elysée ou des Théâtres Montparnasse. On allait, confiants, dans l’espoir de la révélation. Il arrivait que la révélation fût une simple mystification, mais on ne se décourageait pas pour si peu. Et puis ce théâtre étant libre, on lui passait toute sorte de libertés que nulle part ailleurs on n’eût supportées. Il y avait là de tout un peu et de toutes les notes, depuis le réalisme le plus vulgaire jusqu’au plus nuageux symbolisme. Trop souvent on piétinait dans la trivialité ; d’autres fois on était soulevé par une vague de lyrisme, emporté par un torrent d’éloquence, et c’étaient justement les soirs où le Théâtre libre s’honorait en accueillant l’art si original et si âpre de M. François de Curel.

Ce qu’il y avait encore de bien curieux au Théâtre libre, c’était l’atmosphère qu’on y respirait. Maintes fois, le spectacle de la salle fut pour le moins aussi intéressant que celui de la scène. Quel public ! Quel cœur il avait et quel estomac ! Comme il applaudissait et quelles choses il applaudissait ! Quelle fureur d’enthousiasme et quelle bonne volonté. C’est qu’il y avait de la poudre dans l’air. En battant des mains, on se battait. Chaque soirée était un soir de combat.