Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 55.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

précaution essentielle. Lorsqu’une commission interalliée sera établie à Vienne et administrera les principaux revenus de l’Autriche, elle ne mettra pas seulement un peu d’ordre dans les finances de ce pays ; elle en facilitera le relèvement ; elle exercera son influence dans cette République autrichienne, qui même avec ses limites restreintes demeurera un centre important, à la tête de la navigation du Danube, au carrefour des grandes routes qui mènent de l’Occident à l’Orient, Dans cette Europe orientale formée de plusieurs États qui ont besoin de se constituer et qui ont entre eux tant de sujets de querelles, les Alliés ont la volonté de faire prévaloir une politique d’union. Comment auraient-ils chance d’y réussir, s’ils se trouvaient matériellement séparés de ces États, s’ils ne pouvaient exercer leur action qu’à distance, tandis que les Allemands seraient à portée ? Le chancelier Renner a indiqué lui-même dans ses discours et dans ses déclarations diverses qu’il avait le sentiment de la politique imposée par les événements : c’est avec Prague et avec Belgrade qu’il entend collaborer. Les Alliés ont l’occasion de s’opposer au projet d’extension germanique qui fait toujours rêver Berlin et qui consiste à unir les Allemands de Hambourg à l’Adriatique ; ils peuvent fortifier l’influence occidentale au cœur de l’Europe centrale, à Vienne même. L’Italie, les États-Unis, l’Angleterre ont le même intérêt à cette politique : pour nous, elle est d’une nécessité plus évidente encore, puisqu’elle nous permettra de jouer en Orient le rôle qui est conforme à nos traditions. Les Alliés, en même temps qu’ils décidaient de secourir l’Autriche, ont marqué qu’ils s’opposeraient à toutes tentatives de nature à porter atteinte à l’intégrité du territoire autrichien ou qui auraient pour effet, contrairement au traité de Saint-Germain, de compromettre l’indépendance politique ou économique de l’Autriche. C’est un principe général dont la raison est assez facile à deviner : les Alliés ont voulu affirmer de la manière la plus catégorique qu’ils ne permettraient pas la réunion de l’Autriche à l’Allemagne. Mais le principe vaut pour tous les cas qui peuvent se présenter. En ces derniers temps, l’Autriche a vécu dans un état si troublé et si instable que des mouvements séparatistes se sont produits : le Vorarlberg parlait de se rattacher à la Suisse, le Tyrol et le pays de Salzbourg à la Bavière. Le Conseil suprême a coupé court à tous ces projets de remaniements et il a fait sagement. L’État autrichien a son statut fixé par le traité de Saint Germain : tel qu’il est constitué, il doit jouer son rôle en Europe. Pour lui, comme pour les nations,