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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La situation générale de l’Europe, telle qu’elle parait à la fin de l’année 1919, frappe plus l’esprit par les incertitudes que par la clarté. Longtemps encore, elle occupera les hommes d’État. Plus de douze mois après l’armistice et plus de six après la signature du traité de Versailles, la paix n’a pas encore pris sa forme. On conçoit sans peine que M. Clemenceau et M. Lloyd George aient senti le besoin d’examiner ensemble le tableau du monde et qu’ils aient prié le minisire des Affaires étrangères d’Italie, l’ambassadeur des États-Unis, l’ambassadeur du Japon, de participer aux entretiens qui ont eu lieu à Londres. Les sujets de méditation ne manquaient pas, qu’ils fussent pris chez les Alliés ou chez nos ennemis. Au seuil de l’année nouvelle, nous voyons les États-Unis toujours absorbés par la discussion du traité et comme absents de la politique universelle, dont ils ont inspiré les lignes essentielles, l’Italie grandement embarrassée par sa situation intérieure et le problème de l’Adriatique, la Russie chaotique et mystérieuse. Du côté des vaincus, l’Autriche en détresse envoie son chancelier à Paris pour demander secours au Conseil suprême, la Turquie dont le sort n’est pas réglé présente les signes d’une crise inquiétante, l’Allemagne enfin peu empressée à tenir ses engagements, menacée de troubles intérieurs et agitée par ses arrière-pensées, se donne aisément l’allure énigmatique et mal sûre. Cette vue d’ensemble était de nature à inspirer aux premiers ministres et aux ambassadeurs rassemblés à Londres le désir de fixer au moins pour les questions les plus pressantes un programme d’action commun.

L’objet que se proposent les Alliés est clair. La guerre a eu pour résultat de détruire l’Europe telle que l’avait conçue Bismarck : il s’agit à la fois de l’empêcher de se reconstituer et de créer une Europe nouvelle. Le traité de Versailles n’a pas détruit l’unité alle-